Le passe sanitaire dans les centres commerciaux vire à l’imbroglio

Le passe sanitaire dans les centres commerciaux vire à l’imbroglio

«Si c’est flou pour nous, centres commerciaux, je n’imagine pas ce que comprennent nos clients», soupire-t-on au sein d’une grande foncière. Depuis l’introduction à partir du 9 août du passe sanitaire dans une bonne centaine de centres commerciaux, les contraintes n’ont cessé de changer, au point d’en devenir illisibles.

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Dans ces lieux de commerce, contrairement aux restaurants, les règles varient d’un département à l’autre. Renonçant à imposer dans la loi le passe à tous les centres commerciaux de France de plus de 20 000 mètres carrés, le gouvernement a donné aux préfetsla possibilité de l’introduire au cas par cas, «lorsque les caractéristiques (de ces centres) et la gravité des risques de contamination le justifient».

Rétropédalages

Depuis, les arrêtés préfectoraux instaurant ou supprimant le passe se sont succédé, contraignant les professionnels à une gymnastique logistique permanente. Le préfet de Loire-Atlantique a été le premier à dégainer son arrêté le 8 août, avant de l’abroger quelques jours plus tard parce que le taux d’incidence de son département était trop faible. Le gouvernement venait de préciser que le passe ne serait requis qu’au-delà d’un taux d’incidence départemental de 200 - il n’était que de 140 en Loire-Atlantique.

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Le passe sanitaire dans les centres commerciaux vire à l’imbroglio

Dans le Nord, la préfecture a prévenu les centres commerciaux et la presse locale que le passe serait de rigueur à compter du 24 août… avant de rétropédaler le 23 à 22 heures, une fois le personnel dédié au contrôle des QR Codes recruté. Plusieurs préfets, comme à Paris, ont imposé, contre toute attente, le passe en deçà d’un taux d’incidence de 200. L’épidémie diminuant, «une dizaine de départements où s’applique le passe sont passés sous le seuil des 200, mais les arrêtés sont toujours en vigueur, constate Jacques Creyssel, le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Nous demandons leur suppression».

Plusieurs recours

Un autre arrêté préfectoral a été suspendu dans les Yvelines lundi, par le tribunal administratif. Saisi par un avocat résidant à Versailles, le juge a considéré que l’arrêté «ne garantit pas l’accès aux commerces de biens de première nécessité situés dans l’enceinte de ces centres». Les pharmacies, hypermarchés et cabinets médicaux y étaient soumis au passe sanitaire, comme dans tous les centres commerciaux où il est de rigueur. Or le décret d’application de la loi prévoit que l’accès «aux biens et services de première nécessité, ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport» doit être garanti. Certains préfets ont appréhendé cette garantie à l’échelle d’un bassin de vie. Le tribunal de Versailles en a fait une autre lecture, à même de remettre en cause de nombreux arrêtés.

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Plusieurs autres recours ont d’ailleurs été déposés, qui devraient être jugés cette semaine. «Le critère du taux d’incidence de 200 et la notion de bassin de vie n’ont rien de légal», estime Vincent Brenot, associé chez August Debouzy. L’avocat estime certains arrêtés particulièrement fragiles juridiquement, «comme ceux qui visent des centres commerciaux en plein air, situés sur un nœud de transport, ou qui abritent des centres de vaccination». Toutefois, la jurisprudence est loin d’être fixée, le jugement des Yvelines n’en étant qu’une première instance (la préfecture n’avait pas encore fait appel mercredi). Certains préfets concernés pourraient aussi revenir de leur propre chef sur ces arrêtés, les contaminations baissant. Les centres commerciaux sont dans le grand flou.