Vendre en ligne ou mourir, les marques de luxe face à la Covid-19

Vendre en ligne ou mourir, les marques de luxe face à la Covid-19

Boutiques fermées, voyages stoppés : la pandémie force les marques de luxe à mettre les bouchées doubles sur les ventes et services en ligne, un virage stratégique vital mais périlleux pour toucher un maximum de clients sans diluer l'exclusivité propre au secteur.

"Il y a eu un vrai coup d'accélérateur sur le e-commerce : en huit mois, on a pris huit ans !", résume Eric Briones, cofondateur de l'école de mode Paris School of Luxury. "L'urgence à présent pour les marques c'est d'être au contact du client, de créer un frisson digital et faire de chaque vente sur internet une véritable expérience, pour qu'on n'achète pas en ligne uniquement parce c'est pratique", résume cet expert.

La Covid-19 a poussé le luxe à investir plus et plus vite que prévu

Dans un contexte de chute des ventes mondiales de luxe en 2020, le e-commerce a profité des confinements et des restrictions de déplacements, sa part dans le chiffre d'affaires total passant de 12% à 23% en une seule année, selon une étude Bain-Altagamma.

La Covid-19, par son ampleur et sa durée, a poussé les grands noms du luxe à investir plus et plus vite que prévu - financièrement comme technologiquement - dans un canal de vente pas toujours jugé prioritaire.

En novembre, le groupe de luxe Richemont (propriétaire notamment de Cartier) et le géant chinois Alibaba ont ainsi annoncé injecter 1,1 milliard de dollars dans la plateforme de mode haut de gamme Farfetch et sa nouvelle place de marché chinoise. De son côté, Amazon - roi du e-commerce jusqu'alors boudé par le prêt-à-porter - a lancé en septembre une espace luxe pour se faire une place aux côtés des grandes plateformes du secteur que sont Farfetch, Yoox Net-à-porter ou le Luxury Pavilion d'Alibaba.

Vendre en ligne ne s'improvise pas

Vendre en ligne ou mourir, les marques de luxe face à la Covid-19

"Les marques petites ou moyennes ne peuvent pas capter seules suffisamment de visibilité sur internet et n'ont d'autre choix que de passer par une plateforme", met en avant Delphine Vitry, co-fondatrice du cabinet de conseil MAD. En direct ou via des intermédiaires, vendre en ligne ne s'improvise pas : "il y a une marge de progrès sur le côté immersif : des produits dans un panier quand on est tout seul dans son salon, ce n'est pas très excitant", résume Delphine Vitry. Mais de nouveaux services émergent : "à cause du Covid-19, pour Noël, plusieurs grandes marques proposent par exemple d'accueillir un vendeur à domicile".

Ainsi, par exemple, La Vallée Village, qui regroupe de grandes marques de mode de luxe, a dévoilé son service de shopping à distance : sur son site, il suffit de choisir sa marque préférée puis de contacter un vendeur, lequel envoie photos, vidéos et conseils.

"Tout change mais rien ne change"

Hermès propose ainsi de "nombreux outils" pour "répondre aux désirs" de ses clients : "vente à distance par téléphone ou en visio, prise de rendez-vous en magasin, service de conciergerie sur-mesure pour des livraisons à domicile, réservation de produits depuis le site" du sellier-maroquinier. Une marque dont est friande Chen Rui, 32 ans, qui vit à Pékin. Elle raconte avoir peu changé ses habitudes et a continué d'acheter "beaucoup d'articles de luxe pendant la pandémie", estimant avoir dépensé l'équivalent de 4 000 à 5 000 euros chaque mois chez Gucci, Prada, Fendi, Louis Vuitton ou Dior. "J'ai acheté à la fois sur internet et en boutique: la plupart du temps j'achète les chaussures et les vêtements en magasin afin de pouvoir les essayer, et pour les sacs et les autres types d'articles je vais en ligne", confie la jeune femme.

La Chine sera le seul pays au monde à boucler 2020 sur des ventes de luxe en hausse (+48%), la consommation locale ayant bondi face à l'impossibilité de voyager, indique un récent rapport de Bain et TMall (Alibaba) publié, mettant en exergue le fait que les Millenials chinois alimentent "une base toujours plus grande de consommateurs achetant en ligne".

Les marques ne doivent pas non plus faire l'économie d'une large présence sur les réseaux sociaux "qui sont souvent le tout premier point de contact d'un consommateur" avec une griffe, tient à souligner Delphine Vitry pour MAD. "Mais surtout, tout cela n'est pas qu'une histoire de numérisation du luxe, c'est la bataille de la data : pour avoir une bonne personnalisation, il faut de bonnes données client", résume l'expert Eric Briones, pour lequel "tout change, mais rien ne change : le propre de l'achat luxe a toujours été d'avoir une relation particulière avec le client, et on assiste juste à une mise à niveau devant un marché devenu global".