Compte-rendu d'une quatorzaine en hôtel au Japon

Compte-rendu d'une quatorzaine en hôtel au Japon

À l'atterrissage, il n'est désormais plus autorisé pour les voyageurs de prendre les shuttles, ces navettes sur rails internes à l'aéroport. Il nous a donc fallu marcher 1 à 2 kilomètres en traînant notre bagage cabine pour rejoindre le centre de contrôle. Sur le chemin, toutes les toilettes 🚽 sont fermées et donc inutilisables ; il aura mieux valu prévoir un dernier passage aux WC avant la descente de l'appareil. Une fois dans la zone de contrôle, des personnels vérifient les papiers remplis dans l'avion ✈️ : de quel pays nous venons, par quel territoire nous avons transité en cas d'escale, notre numéro de siège, etc. Nous remplissons un formulaire de "pledge" avec nos informations d'identité et nos symptômes éventuels : fièvre, difficultés respiratoires, fatigue, perte de goût ou d'odorat (bien que ces derniers soient a priori minoritaires avec Omicron).

On nous assigne un numéro pour des questions de confidentialité, puis on nous donne un badge à porter autour du cou avec une dragonne de couleur spécifique : orange pour l'hôtel, rouge si l'on peut rentrer directement chez soi. Pour tous, le test PCR salivaire est obligatoire. D'ici au résultat, le Japon ne faillit pas à sa réputation et c'est une farandole de papiers qui nous attend, égrainée par une quantité de staff surabondante. Si l'on avait rempli au préalable le questionnaire sur le site du MOFA (le Ministère japonais des affaires étrangères), notre QR code est scanné, sinon une autre file d'attente nous attend. Une prise de température est effectuée automatiquement par caméra. Nous devrons indiquer nos allergies éventuelles et préférences alimentaires pour la nourriture qui sera fournie à l'hôtel.

Ensuite, direction un hall d'embarquement dédié avec de nombreuses tables pour la configuration de notre smartphone 📱. Ce dernier est obligatoire : si vous n'en possédez pas ou que votre téléphone est trop ancien, on vous impose d'en louer un sur place. Le personnel nous installe l'application MySOS (qui existait déjà avant la pandémie pour un usage médical), la paramètre en mode "quarantaine covid" et vous fournit un mode d'emploi de 32 pages (!) en japonais. Il est toutefois possible de passer l'application en français/ anglais. On vérifie notre adresse email en nous envoyant un message de test puis l'on configure votre GPS pour activer la localisation.

Après 1 à 2 heures d'attente, le résultat du test PCR tombe. On appelle chaque voyageur avec son numéro attribué ; si le résultat est positif, c'est une personne en combinaison intégrale et visière au-dessus du masque 😷 qui vient vous chercher. À l'immigration, le personnel revérifie l'ensemble des documents, notamment le passeport et le formulaire japonais du MOFA correspondant au test PCR obligatoire effectué 72 heures avant l'embarquement (les résultats de laboratoire, même en anglais, ne sont pas acceptés). Nous récupérons ensuite nos bagages, qui nous attendent bien rangés en ligne au vu du délai depuis atterrissage. Au total, il aura fallu compter un peu plus de 2h30 d'administratif, vérifications et attente avant de pouvoir sortir de l'aéroport.

Passée la douane 🛂, des agents de sécurité avec un sigle "quarantine" dans le dos nous accompagneront jusqu'à l'entrée dans le bus qui nous conduira à l'hôtel. Nous demandons à aller aux toilettes au préalable : un vigile nous accompagne et attend devant la porte. Une fois dans le bus, on nous installe avec distanciation et nous remarquons des parois en plexiglass au-dessus de chaque dossier de siège. En route pour l'isolement à l'hôtel !

6 jours dans la chambre d'hôtel...

Évidemment, nous n'avons jamais su à l'avance dans quel hôtel nous allions être placé. Pour votre serviteur, c'est le Kansai Airport Washington qui fut attribué, situé juste de l'autre côté du pont qui relie l'aéroport à Honshu, soit à 10 minutes de bus à peine. Le choix de l'hôtel ne dépend pas de notre fonction (nous ne sommes d'ailleurs pas journaliste) ni de la classe de voyage dans laquelle nous étions dans l'avion, même Novak Djokovic l'a compris en Australie.

Règles et procédures

Compte-rendu d'une quatorzaine en hôtel au Japon

On nous fait pénétrer dans le bâtiment par l'entrée de service et non l'entrée principale, en permanence accompagnés par des agents de sécurité.

Dans l'ascenseur qui nous conduit à notre étage (non mixte), nous montons individuellement. Lorsque les portes s'ouvrent, 5 personnes nous attendent pour vérifier à nouveau notre identité, nos préférences alimentaires et nos symptômes. On nous explique alors les procédures qui régiront les 6 prochains jours : horaires et fonctionnement des repas, disponibilité de la réception (de 7h à 21h dans notre cas), comment sortir les poubelles, changer les draps et serviettes, etc. Aucun personnel de l'hôtel ne rentrera dans la chambre pendant toute la durée de quarantaine. Une chaise se trouve devant la porte pour faire le lien : déposer les repas, retirer les ordures, etc. À noter qu'il est interdit de jeter les bouteilles, donc nous en aurons accumulé un certain stock au terme de la quatorzaine.

À l'exception de la nourriture crue (par exemple des sushi 🍣) par crainte d'intoxication alimentaire, il est possible de se faire porter des repas via Uber Eats. En réalité, ce n'est pas si simple : très peu de livreurs se rendent dans la zone aéroportuaire où nous nous trouvons. Et si l'on essaye de passer par une autre application, il n'est pas toujours possible de payer par carte bancaire 💳 et l'hôtel ne règle pas en liquide à la réception pour le compte de ses clients. En revanche, aucun problème pour les colis plus classiques à condition de prévenir de l'horaire de livraison. L'hôtel fournit 3 bouteilles d'eau de 50cl par jour, ainsi que le thé et le café à volonté. Il peut également déposer un oreiller ou une couette en cas de nécessité, ainsi que des serviettes hygiéniques pour les femmes qui sont dans cette période du mois. Les livraisons de ces besoins se font généralement sous 10 à 15 minutes seulement.

Point de vigilance pour les fumeurs : il est interdit de fumer dans la chambre ! Nous ne sommes pas concernés et l'hôtel livre gratuitement des chewing-gums à la nicotine si besoin, mais cela peut également être l'occasion d'arrêter. De la même manière, il est interdit de boire de l'alcool car il est dit que cela pourrait influencer le résultat des tests Covid à réaliser soi-même (voir plus bas).

On nous remet enfin un formulaire de prise de température à effectuer et remplir matin et soir, ainsi qu'un vieux thermomètre à placer sous l'aisselle, qui met 3 minutes à donner un chiffre ! Si l'on a plus de 37,5°C ou un quelconque symptôme, il faut appeler immédiatement la réception. Attention : nous parlons japonais mais si ce n'est pas votre cas, le personnel de l'hôtel maîtrisant mal l'anglais, il pourrait y avoir des problèmes de communication.

La chambre et le déroulement en détails

Nous "checkons" notre position GPS dans l'hôtel pour fixer notre point de résidence de ces 6 premiers jours.

Nous sommes chanceux : notre hôtel est récent et la chambre qui nous est attribuée, très propre, se montre spacieuse avec une vingtaine de mètres carrés au total. Nous avons 2 lits semi-doubles avec une bonne literie, une petite banquette et un pouf, les toilettes et la baignoire dans la chambre et même de l'espace pour faire un peu d'activité physique. L'isolement phonique est bon. Tout le monde n'a hélas pas ce même luxe. En terme de petit équipement, nous avons une télé (la seule chaîne non-japonaise étant CNN en anglais), une bouilloire et un petit frigo ainsi que tout le matériel de toilette habituel, mais pas de micro-ondes. La petite fenêtre, qui donne sur l'autoroute, s'entre-ouvre très légèrement ; il est donc malheureusement difficile d'aérer. Par ailleurs, le Wifi 📶 s'avère assez lent mais nous ferons avec.

Nous sommes appelés par un robot chaque jour sur MySOS à un horaire aléatoire (mais pas la nuit bien entendu), quelques minutes après avoir reçu une notification. Notre smartphone se met automatiquement en mode "selfie" pour contrôler à la fois notre visage sans masque et un décor représentatif de notre lieu de quarantaine. Si l'on manque l'appel une fois, ce n'est pas trop grave, mais on nous fait comprendre qu'il ne faut pas que cela se reproduise trop souvent... Par ailleurs, nous devons indiquer tous les jours notre situation de santé, en cochant si oui ou non nous avons de la fièvre et/ou des symptômes Covid. Enfin, nous devons valider notre position GPS plusieurs fois par jour.

La veille au soir des 3ème et 6ème jours, on nous dépose un test salivaire autonome que l'on doit remettre devant la chambre avant 7h du matin. En début d'après-midi, on nous fournit les résultats ; si les 2 tests reviennent négatifs, nous pouvons sortir de l'hôtel au bout des 6 jours.

Contenu des repas

Les 3 repas de la journée sont livrés sur la chaise respectivement à 8h, 12h30 et 18h (si nous ne le retirons pas dans la minute, la réception nous appelle). Par chance, nous n'avons pas d'annonce en haut-parleur ; certains témoignages d'amis nous indiquent qu'ils se font réveiller quotidiennement à 6h30 du matin ! Les contenus des repas sont quasiment identiques chaque jour avec une rotation sur 3 jours, les voici en détail :

La quantité de nourriture proposée le midi est moins copieuse que dans l'avion ; selon votre appétit, cela peut s'avérer plutôt léger. Heureusement, de retour de France, nous avions prévu dans la valise du pain Poilâne tranché et du fromage pour compléter !

Notre ressenti

D'un point de vue personnel, l'ambiance s'avère évidemment un peu étrange. Nous avons juste le droit d'entrouvrir la porte très rapidement et avec un masque sur le visage (le FFP2 n'est pas obligatoire) pour récupérer et déposer l'essentiel. Il y a forcément cette impression de tourner en rond et surtout d'être privé de libertés fondamentales, dans des conditions qui rappellent celles que l'on s'imagine de la prison car, même si nous sommes mieux logés, nous n'avons aucun droit de sortir de nos 4 murs. Il n'est évidemment pas question de comparer ces expériences.

En outre, un facteur exogène sous forme d'épée de Damoclès pèse sur la sérénité d'esprit : si vous êtes déclaré positif(ve) au test du 3ème ou 6ème jour, ou bien si un autre passager de votre vol est testé positif au variant Omicron pendant son isolement (selon si l'on se retrouve cas-contact en fonction des positionnements dans l'avion), la quarantaine passe à 14 jours et l'on est changé d'hôtel pour les 8 à 11 jours restants.

Notons toutefois que cette période de quatorzaine en hôtel bénéficie du service à la japonaise et reste entièrement gratuite pour le voyageur, car prise en charge par les impôts japonais (que nous payons en tant que résident). Ce n'est pas le cas dans un certain nombre d'autres pays, tel que le Canada pour ne pas le citer.

... Puis 8 jours à domicile

Depuis notre hôtel, on a été autorisés à venir nous chercher directement au bout des 6 jours. Mais beaucoup d'autres établissements ramènent les voyageurs à l'aéroport, même si votre domicile s'en trouve plus éloigné ! Et il faudra alors prendre un "corona" taxi spécial (et coûteux !), louer une voiture 🚙 ou faire venir quelqu'un pour repartir.

On nous demande de préciser l'heure à laquelle notre proche viendra nous récupérer pour sortir de la chambre à l'heure pile, accompagné de deux personnes de l'hôtel qui ne touchent ni à nos affaires ni à la porte de chambre, qui doit rester ouverte après notre départ. Nous descendons seul dans l'ascenseur, à la descente duquel on nous remet un auto-test à réaliser chez soi le 10ème jour. La voiture doit s'arrêter à l'endroit indiqué devant l'établissement car nous ne pouvons pas nous éloigner à pied sans la présence du personnel.

En arrivant chez nous, nous "checkons" à nouveau notre position GPS pour fixer notre point de résidence de ces 8 derniers jours. Nous aurons encore chaque jour, à un horaire aléatoire, des appels automatiques de contrôle. Nous bénéficierons d'un droit de déplacement très limité pour les premières nécessités : aller faire ses courses dans un konbini ou un petit supermarché dans le quartier, ou encore aller récupérer un repas en "click & collect" dans un restaurant de proximité.

Puis nous retrouverons la liberté ! Pile pour le retour d'un pré-état d'urgence lié à Omicron ?