« Mes copines m’ont dit : “Pourquoi tu n’écris pas à Train de vie ?” Moi, avec ma petite niaiserie, je vais écrire à Train de vie ? »
Bien sûr, pourquoi pas ?
Elle l’a fait.
« Mon cas est très ordinaire et je crois faire partie d’une majorité avec peu de moyens mais ayant grand besoin de conseils », a-t-elle écrit.
Diane* a 65 ans. Elle vit seule et travaille à temps plein, pour un salaire annuel de 70 000 $.
« L’entreprise pour laquelle je travaille élimine les employés les plus âgés à cause des salaires supérieurs, a-t-elle expliqué au téléphone. Et on m’a fait savoir que ce serait bientôt mon tour, mais je n’ai aucune idée quand. »
Elle n’était pas prête à prendre sa retraite. « Je voulais continuer jusqu’à 68 ans, pour terminer de payer un prêt qui va traîner jusqu’au mois d’août 2022. »
Elle n’a pas de régime de retraite et ne touchera aucune indemnité de départ.
Après une perte de 15 000 $ sous l’effet de la crise, elle détient encore 86 500 $ en REER. « J’ai commencé tard parce que j’ai élevé mes enfants toute seule, explique-t-elle. Je n’ai jamais eu de pension alimentaire. »
Elle a commencé cette année à toucher sa prestation de la Sécurité de la vieillesse (PSV) de 613 $ par mois.
Combien pourrait-elle recevoir de la RRQ ?
« Je vais regarder pendant que je vous parle, répond-elle. Mes papiers ne sont pas très loin. J’ai tellement calculé dans les derniers temps pour essayer de voir comment je pourrais m’en sortir… »
La réponse tombe rapidement : 848 $ par mois à 65 ans.
Et à combien s’élèvent ses dépenses annuelles ? « Attendez un peu, je vais sortir mon budget ! », reprend-elle avec un rire.
Diane habite un petit appartement qui lui coûte 875 $ par mois, électricité et chauffage compris.
Ses dépenses s’élèvent à 36 000 $ par année, calcule-t-elle. Elles incluent le remboursement d’un prêt de 20 500 $ auquel elle consacre 790 $ toutes les deux semaines, et celui d’un solde de carte de crédit de 6000 $, qu’elle veut acquitter à raison de 600 $ par mois.
Les vêtements, les loisirs, les vacances, les soins personnels, l’entretien du véhicule ne sont pas inclus dans ce budget. Elle estime ces « dépenses discrétionnaires » à environ 10 300 $, c’est-à-dire la différence entre son revenu net et son budget de 36 000 $.
Ses dettes viennent de loin, dit-elle. « Quand mes enfants avaient besoin d’aide, je faisais des trous dans mon budget pour les aider. C’est un cercle vicieux. »
Ses plans pour s’en libérer ont été bouleversés.
« Devrais-je penser à régler le solde avec une partie de mes REER ? demande-t-elle. Je sais fort bien que j’aurai une retraite difficile avec le peu de REER qu’il me restera, et j’aurai besoin du SRG, mais comment faire ? »
*Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.
Diane, 65 ansRevenus d’emploi : 70 000 $PSV : 613 $/moisREER : 86 500 $Aucun CELIPas de propriétéVoiture payéePrêt consolidé : 20 500 $Solde de carte de crédit : 6000 $
Ce sera difficile.
La planificatrice financière Josée Jeffrey, du cabinet Focus retraite & fiscalité, a tenté de trancher le nœud gordien.
Elle a d’abord testé le scénario d’une retraite à 68 ans.
C’est à cet âge plutôt qu’à 65 ans que Diane retirera sa rente de la RRQ, ce qui lui procurera une majoration de 8,4 %.
Mais la planificatrice veut d’abord épurer les comptes. Elle s’attaque en premier lieu à la carte de crédit.
« Elle est capable de la rembourser cette année, assure-t-elle. Je lui donne six mois pour le faire. »
Selon les chiffres que Diane a fournis, son coût de vie actuel s’élève à 46 800 $, ce qui comprend le remboursement de ses dettes et des dépenses discrétionnaires de 10 300 $.
C’est en coupant dans ces dernières qu’elle devra trouver la marge nécessaire au remboursement accéléré.
Le cas de la carte de crédit étant réglé au début de 2021, Diane peut dès lors accélérer le remboursement de son prêt personnel, pour l’acquitter au courant de l’année 2021 plutôt qu’en août 2022.
Une fois ses dettes remboursées, son coût de vie est ramené à environ 30 500 $ en dollars d’aujourd’hui.
« Mon but est de lui faire commencer sa retraite sans dette », explique la planificatrice.
« Elle ne doit pas retirer de REER pour rembourser son prêt personnel, car son revenu net pour l’année 2020 dépasserait le seuil de récupération de la PSV », avise-t-elle.
Avec cet itinéraire, la planificatrice estime que Diane pourra dégager des épargnes de 4350 $ en 2021 et 22 550 $ en 2022, placées dans un CELI.
À la retraite, en 2023, Diane touchera vraisemblablement un montant annuel de 1500 $ en crédits de solidarité et de TPS, plus un versement de Supplément de revenu garanti (SRG) d’environ 2940 $.
Avec la PSV et la rente de la RRQ, ses revenus disponibles totaliseront 24 500 $.
Elle pourra combler le déficit budgétaire en puisant dans les sommes versées en CELI, sans que les retraits s’ajoutent à ses revenus, ce qui lui permettra de continuer à toucher le SRG.
Celui-ci disparaîtra cependant en 2025 quand, parvenue à 71 ans, Diane devra commencer ses retraits obligatoires du REER.
Ce capital sera épuisé huit ans plus tard.
À 80 ans, elle pourra recommencer à toucher le SRG, que notre planificatrice estime à environ 3600 $. Elle devra dès lors restreindre son coût de vie à ses revenus nets, ce qui lui demandera de réduire ses dépenses d’au moins 6000 $.
« Elle n’a pas le choix ! », constate Josée Jeffrey.
Elle suggère cependant un autre scénario : si Diane, dès le début de sa retraite, réduit ses dépenses discrétionnaires de 25 %, soit de quelque 2600 $, elle repousse l’épuisement de ses épargnes à 85 ans – une échéance qui, dans les circonstances, satisfait la planificatrice.
Mais que se passerait-il si Diane était mise à pied à la fin de 2020 ?
Notre planificatrice emploie alors une stratégie différente.
Comme il s’agit d’une fin d’emploi, Diane aurait droit à l’assurance-emploi pendant 45 semaines.
Dans ce scénario, Diane n’accélérera pas le remboursement de ses dettes, mais « elle n’aura pas le choix de réduire ses dépenses discrétionnaires de 25 % dès 2022 », souligne la planificatrice
Pour lui permettre de toucher le SRG le plus tôt possible et sans interruption, Josée Jeffrey a élaboré une subtile manœuvre.
Elle lui suggère de transformer son REER en FERR dès la fin de l’assurance-emploi et d’utiliser la somme pour acheter une rente viagère mensuelle dont le dernier versement tombera en juin 2023.
« Ses revenus de pension auront pris fin et elle pourra tout de suite demander un formulaire pour qu’on calcule le Supplément de revenu garanti en fonction des revenus à partir du 1er juillet 2023, et non selon ceux au 31 décembre de l’année précédente », explique la conseillère.
De cette manière, « on devance d’un an le SRG ».
À 70 ans, avec la RRQ, la PSV et le SRG, Diane maintiendrait un revenu net d’environ 27 000 $. Ses dettes remboursées, avec une réduction de 25 % de ses dépenses discrétionnaires, son coût de vie avoisinerait alors 30 000 $.
« Il lui manque toujours 3000 $ par année », constate Josée Jeffrey.
C’est pourquoi elle lui suggère d’aller chercher durant les premières années de sa retraite un petit revenu d’emploi supplémentaire, qui ajouterait 5000 $ à ses revenus.
« Depuis le 1er juillet, et ça commence cette année, on peut gagner jusqu’à 5000 $ de revenus sans que ça réduise le SRG », souligne-t-elle.
C’est l’équivalent de huit heures par semaine au salaire minimum. Juste ce qu’il faut pour distraire une retraitée…
*Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.
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