Tracy De Sá, l'irrésistible rappeuse féministe qui prône le "pussy power"

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Elle cite l'autrice afroféministe bell hooks, parle de "cuni" avec un naturel déconcertant et un débit mitraillette. Tracy De Sá, 29 ans, déconcerte autant qu'elle réjouit avec ses lyrics crues, sans filtre et ses références pointues. Ses chansons parlent tour à tour d'héroïnes féminines, de vulve, de cyberharcèlement, de coups d'un soir, d'orgasme, de règles, de son corps comme d'un royaume. Son emblème ? Le "pussy power" qu'elle brandit tel un sceptre badass.

Ses convictions féministes, Tracy les a nourries au cours de ses exils (née en Inde, elle a vécu au Portugal et en Espagne), détricotant son histoire familiale au fil des années (sa maman a fui un mariage forcé). Elle a englouti des tonnes de bouquins pendant son Master d'études de genre, a écouté les icônes hip hop des 90's, s'est dépouillée de ses peurs et de ses complexes. Et a façonné un son infiniment personnellement. Chez Tracy De Sá, la femme ne s'excuse pas, elle prend le pouvoir, elle s'amuse et s'assume. Féministe, immigrante, racisée, la rappeuse fait résonner une voix que l'on n'entend que trop peu et surprend avec In Power, un premier album puissamment engagé, jouissif et rageur.

Porno féministe, déconstruction, sexisme dans le rap... Nous avons échangé avec cette artiste audacieuse et passionnante.

Terrafemina : Comment te définirais-tu, Tracy ?

Tracy De Sá, l'irrésistible rappeuse féministe qui prône le

Tracy De Sá : Je me définirais comme une artiste, comme une femme immigrée, une femme de couleur, pluridisciplinaire. Mon identité est marquée par mon parcours migratoire : je suis née en Inde, j'ai déménagé au Portugal quand j'avais deux ans et demi, j'ai grandi en Espagne, puis j'ai déménagé en France. Je suis une mosaïque de toutes ces cultures-là.

Tu fais valoir ton point de vue de femme immigrée et racisée. Une voix que l'on entend peu.

T.D.S. : En grandissant, j'écoutais beaucoup de musique, notamment du rap des années 90 comme Missy Elliot, Salt-N-Pepa, Lauryn Hill. Ces musiques parlaient d'immigration, de vivre avec une mère célibataire, du décalage entre les cultures, de la précarité, mais je ne me sentais pas représentée. Comme si en tant que femme immigrée, je devais être invisible, que je n'avais pas le droit de faire du bruit, qu'il fallait que je reste dans ma case. C'est lorsque j'ai découvert la rappeuse MIA que j'ai enfin trouvé quelqu'un qui me ressemblait. Et que je me suis dit que je pouvais moi aussi faire de la musique.

Tu dis avoir longtemps été en proie au syndrome de l'imposteur. Comment as-tu réussi à t'émanciper et à prendre confiance ?

T.D.S. : Je travaille encore là-dessus, je ne me sens pas encore super légitime pour pas mal de choses. Comme je suis Indienne, il y a pas mal de choses que je dis ou vis différemment et les gens ne me comprennent pas toujours. J'ai dû grandir très vite par le fait d'avoir immigré, d'avoir pris des responsabilités très tôt, de travailler à 14 ans- je donnais des cours d'anglais et d'espagnol.

J'ai commencé à prendre confiance en réalisant qu'il n'y avait pas d'autres femmes comme moi et que ce n'était pas normal. J'ai voulu être prise en compte et j'ai de plus en plus osé. Et puis ma musique et l'amour de mon public m'ont permis de pouvoir défendre mes messages à fond parce que j'ai vu que des gens croyaient en moi.