Dès ce mercredi 15 septembre, les personnels de santé, du secteur médico-social ou encore les sapeurs-pompiers devront pouvoir justifier d'au moins une dose de vaccin contre le Covid-19, sous peine de voir leur contrat suspendu. Les professionnels n'ayant reçu qu'une dose devront par ailleurs présenter un test négatif toutes les 72h. Ils auront ensuite jusqu'au 15 octobre pour achever leur schéma vaccinal.
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Les soignants sans contre-indications qui n'ont toujours pas reçu leur première dose pourront-ils alors trouver un autre emploi pendant la suspension de leur contrat de travail, notamment pour s'assurer des revenus le temps de disposer d'un schéma vaccinal complet ? C'est la question que se posent salariés et employeurs à la veille de l'entrée en vigueur de l'obligation vaccinale. Pour rappel plus de 88% des professionnels de santé en Ehpad et hôpitaux et près de 94% des personnels libéraux avaient reçu une dose au 7 septembre selon Santé Publique France.
«Lors de la suspension du contrat de travail, deux obligations sont levées : d'une part l'entreprise ne verse plus de rémunération et d'autre part le salarié n'exécute plus de prestation de travail» explique au Figaro Maître Alexandra Sabbe-Ferri, avocate en droit du travail. Ces deux obligations levées, «le contrat existe toujours» mais le salarié est dispensé «de se tenir à disposition de l'employeur». Il lui est alors théoriquement possible d'exercer un autre emploi pendant toute la durée de la suspension du contrat de travail.
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Maître Sabbe-Ferri rappelle que ce mécanisme est connu puisqu'il s'applique déjà lors d'un «congé sabbatique ou de création d'entreprise». Dans le cas de la suspension du contrat de travail pour non-vaccination, deux éléments peuvent cependant contraindre l'exercice d'un deuxième emploi.
Le soignant doit d'abord respecter l'obligation de loyauté, intrinsèque au contrat de travail, même lors de sa suspension. Cette obligation interdit la concurrence déloyale et empêche donc tout salarié «d'exercer un autre poste qui le placerait en situation de concurrence déloyale vis-à-vis de son premier employeur», indique Me Sabbe-Ferri. La concurrence déloyale pourrait par exemple se caractériser par «la communication d'informations confidentielles à son nouvel employeur». L'avocate explique cependant que les contours de cette obligation ne sont pas strictement définis et qu'il pourrait être nécessaire de notifier son premier employeur de l'obtention du deuxième emploi pour éviter un contentieux.
Par ailleurs, le contrat peut contenir une clause d'exclusivité qui interdit toute autre prise de poste, indépendamment de sa nature. Dans ce cas, «chaque contrat devrait être étudié au cas par cas» explique Me Alexandra Sabbe-Ferri. L'employeur peut cependant décider de lever cette clause après discussion avec l'employé.
D'autres contraintes, plus concrètes, pourraient aussi empêcher les soignants de trouver un autre emploi. Sans vaccination, il leur est d'abord impossible d'envisager tout contrat temporaire dans leur secteur de formation, le médico-social. Les emplois dans les établissements accueillant du public leur sont également théoriquement fermés, sauf s'ils souhaitent réaliser des tests anti-Covid toutes les 72h.
Par ailleurs, les soignants qui refuseraient la vaccination trop longtemps pourraient s'exposer à des sanctions en plus de la suspension. La loi précise, pour les professions à ordre, qu'un employeur qui constate qu'un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité depuis plus de 30 jours en raison de l'obligation vaccinale, doit en informer le Conseil National de l'Ordre dont le soignant relève. L'Ordre pourra alors engager une procédure disciplinaire ordinale. Cette procédure «pourrait ensuite déboucher sur une procédure de licenciement mais sa mise en œuvre sera compliquée et il est difficile de prévoir comment les ordres vont statuer», nuance cependant Maître Sabbe-Ferri.
Pour les professions sans ordre, la loi ne prévoit pas de procédure disciplinaire en cas de suspension sur le long terme. Théoriquement, un aide-soignant «pourrait ainsi voir son contrat suspendu ad vitam aeternam, sans être licencié» et ce, jusqu'à ce qu'il se fasse vacciner, explique Me Alexandra Sabbe-Ferri.
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Exercer un autre emploi en parallèle de la suspension, en espérant retrouver son poste principal à terme, représente donc avant tout une solution pour s'assurer des revenus en attendant la complétion de son schéma vaccinal. Pour les réfractaires les plus chevronnés, la reconversion professionnelle semble nécessaire.