Soutien à la voiture ou lutte contre la crise climatique : les politiques pris entre deux feux

Soutien à la voiture ou lutte contre la crise climatique : les politiques pris entre deux feux

L’automobile crispe autant qu’elle passionne. Pas étonnant qu’elle soit un sujet sensible en politique. S’il fait bon la ménager malgré son caractère polluant, elle conduit les politiques à jouer les équilibristes, coincés entre impératifs environnementaux et volonté de ne pas stigmatiser un objet devenu, en moins d’un siècle, indispensable aux Français.

Incarnant liberté et cohésion territoriale, la voiture cumule dimensions utilitaire et symbolique. Depuis l’après-guerre, elle est un objet de masse inscrit au fer rouge dans la carte mentale du pays. Son usage a favorisé la multiplication des zones industrielles et commerciales, des rocades, parkings et ronds-points : la France a été redessinée par et pour l’automobile.

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La voiture reste aussi un des fleurons industriels français et un des secteurs manufacturiers qui emploient le plus, même s’il est en déclin. « Cela en fait un objet profondément politique », souligne Chloé Morin, politiste associée à la Fondation Jean Jaurès.

Soutien à la voiture ou lutte contre la crise climatique : les politiques pris entre deux feux

Pour Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP et coauteur de La France sous nos yeux (Seuil, 496 pages, 23 euros), qui s’intéresse à l’évolution des modes de vie, « aujourd’hui, 85 % des foyers disposent au moins d’un véhicule, et c’est surtout un bien indispensable pour deux tiers d’entre eux, qui vivent notamment en zones périurbaines et rurales ».

Le budget des ménages « vampirisé »

L’automobile pèse aussi très lourd sur le porte-monnaie des Français. Après la révolte des « bonnets rouges » en 2013 autour de l’écotaxe, la crise des « gilets jaunes », fin 2018, a été déclenchée notamment en réaction à la hausse des prix du carburant.

Rendu obligatoire en 2011 par Nicolas Sarkozy, le désormais fameux équipement jaune fluo fait partie d’une liste de nouvelles obligations pour les automobilistes, qui s’allonge depuis le début du millénaire : majoration du coût de la carte grise pour les véhicules à fortes émissions, passage de 90 km/h à 80 km/h sur les routes secondaires, mise en place de la vignette Crit’Air ou encore durcissement du contrôle technique alourdissent le budget des automobilistes. Les deux-roues ne font pas exception, comme le rappellent les récentes tensions causées par le passage au stationnement payant à Paris ou encore le recul d’Emmanuel Macron sur le contrôle technique obligatoire.

« Ce que les “gilets jaunes” ont rappelé, c’est que sans voiture, ils ne peuvent rien, mais que son coût vampirise le budget des ménages », ajoute Jérôme Fourquet. Un argument appuyé par Yoann Demoli, sociologue et coauteur d’un manuel de Sociologie de l’automobile (La Découverte, 2019) : « L’usage de la voiture est stratifié géographiquement et socialement. Les plus dépendants sont non seulement ceux qui sont éloignés des métropoles, mais aussi les moins bien rémunérés. » Face à eux, « les classes plus aisées se détachent, elles, de la voiture », prolonge ce dernier.

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