« Retournez à Minsk ! » : reportage à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie

« Retournez à Minsk ! » : reportage à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie

Dans la « guerre hybride » menée par le dictateur Loukachenko, les « munitions » sont des migrants, bloqués derrière les barbelés, otages d’une crise orchestrée pour faire pression sur l’Union européenne. Plongée dans une zone frontalière en état d’urgence.

Par Doan Bui (envoyée spéciale en Pologne)Temps de lecture 11 min

« La frontière polonaise est fermée ! Les autorités biélorusses vous ont menti. Retournez à Minsk ! Ne prenez pas les pilules données par les soldats biélorusses ! » Le texto du gouvernement polonais est tombé sur notre téléphone alors qu’on s’approchait de la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. A trois heures de route de Varsovie, on croirait presque arriver dans un pays en guerre alors qu’on s’enfonce en Podlachie, cette région bucolique tout à l’est de la Pologne. Les soldats sont partout. Dans le ciel, des hélicos tournoient. Sur chaque route, des checkpoints, où des policiers contrôlent les identités et fouillent chaque véhicule. Le soir, dans l’obscurité et le brouillard, on ne distingue plus que les torches des gardes-frontières, les sirènes bleues de la police, et, dans les bois, des braseros : des soldats qui montent la garde pour la nuit.

Ils sont désormais 15 000 déployés dans ce mouchoir de poche pour surveiller les quelque 2 000 ou 3 000 malheureux qui sont coincés de l’autre côté de la frontière. Avec devant eux le mur de barbelés, et dans leur dos les gardes-frontières biélorusses qui leur interdisent de rebrousser chemin. Réduits à camper dans la forêt, sans eau ni nourriture. Ici, il ne neige pas encore, mais, la nuit, la température descend en dessous de zéro et l’humidité transperce les os. Ils sont syriens, kurdes, Yéménites, Afghans… Des « munitions » humaines, dans cette « attaque hybride » − l’expression, utilisée par les pays baltes et la Polo

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