Profits « exceptionnels » des entreprises Une taxe aurait rapporté 7,9 milliards

Profits « exceptionnels » des entreprises Une taxe aurait rapporté 7,9 milliards

(Ottawa) Le directeur parlementaire du budget estime qu’une taxe sur les bénéfices exceptionnels réalisés par de grandes entreprises l’an dernier, pendant la pandémie, aurait rapporté 7,9 milliards au trésor fédéral.

Mis à jour le 27 avr. 2021 Christopher Reynolds La Presse Canadienne

L’estimation du directeur parlementaire du budget (DPB), demandée par un député néo-démocrate, a été calculée en analysant les résultats des entreprises dont les bénéfices ont dépassé leurs attentes pour 2020 — en pleine pandémie. Le député proposait au DPB un taux de 15 % pour cette taxe sur les bénéfices considérés comme « exceptionnels » — en fonction de la marge bénéficiaire moyenne des cinq dernières années —, qui viendrait s’ajouter au taux actuel d’imposition fédéral sur le revenu des sociétés, de 15 %.

Le député néo-démocrate Peter Julian soulignait au DPB que cette mesure s’inspire de celle adoptée pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que le Canada avait assujetti à un taux d’imposition de 100 % les bénéfices jugés « exceptionnels » des entreprises.

Le rapport du DPB montre que les grandes entreprises des secteurs de la finance et des assurances ont vu leur bénéfice prévu en 2020 augmenter de 21,6 %, et ceux du secteur de la fabrication de 10,6 %.

En chiffres absolus, les grandes entreprises du secteur manufacturier et celles du secteur de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz ont réalisé les bénéfices exceptionnels les plus élevés au cours de l’année civile 2020, récoltant respectivement 12,4 et 9,1 milliards de plus que prévu. Les soins de santé et l’assistance sociale, la construction, les finances et les assurances ont généré ensemble 14,9 milliards de bénéfices exceptionnels. Au total, les bénéfices exceptionnels des entreprises ont atteint près de 53 milliards en 2020, estime le DPB.

Profits « exceptionnels » des entreprises Une taxe aurait rapporté 7,9 milliards

« Les grandes entreprises ont reçu beaucoup d’aide (publique). Nous les avons vues prendre de l’argent public, puis se retourner et payer leurs actionnaires ou augmenter le salaire de leurs dirigeants », a déclaré le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, qui réclame une telle « taxe sur les bénéfices pandémiques ».

« Mais nos petites collectivités et les petites entreprises locales ont connu, elles, des difficultés. Et c’est là que nous avons besoin de plus de soutien : pour aider ces petites entreprises à passer au travers. »

Pour soutenir les PME

Cette taxe serait temporaire et pourrait disparaître lorsque la vaccination atteindrait un « certain » seuil, a déclaré M. Singh aux journalistes, mardi. Les recettes fiscales supplémentaires pourraient être utilisées pour soutenir les propriétaires de PME qui ont dû fermer à plusieurs reprises à cause des confinements successifs.

L’homme d’affaires québécois Mitch Garber proposait lui aussi cet hiver d’imposer une taxe spéciale, temporaire, aux entreprises qui se sont maintenues pendant la pandémie ou qui ont peut-être même profité de cette crise, afin d’aider les entrepreneurs qui ont souffert.

Le NPD avait également proposé l’an dernier un impôt sur les fortunes des familles ayant une valeur nette de plus de 20 millions. Le DPB avait estimé alors que cet impôt s’appliquerait à quelque 13 800 familles canadiennes et aurait généré 5,6 milliards de recettes fiscales pour Ottawa en 2020-2021.

Dans son budget 2021, déposé le 19 avril, le gouvernement libéral a évité d’annoncer d’importantes hausses d’impôts : il a introduit une taxe sur l’achat de voitures de luxe, de bateaux et d’avions personnels, ainsi qu’une nouvelle taxe sur les logements vacants appartenant à des étrangers.

Ottawa prévoit également de prélever à compter de janvier une taxe de 3 % pour les plateformes numériques étrangères comme Netflix, Amazon Prime et Airbnb. Le gouvernement prévoit récolter 2,7 milliards de cette taxe sur cinq ans, soit environ 540 millions par année.

Le DPB n’a pas cherché par ailleurs à évaluer les effets d’entraînement possibles d’un tel impôt sur les bénéfices exceptionnels, mais il suggère que des règles seraient nécessaires pour éviter toute comptabilité créative. « Nous partons de l’hypothèse que des mesures complémentaires (seraient) mises en place afin d’empêcher les sociétés visées de réduire leur charge fiscale en 2020, par exemple en appliquant des pertes ou en déplaçant la dépréciation et l’amortissement enregistrés au cours d’autres exercices », lit-on dans le rapport.

La rentabilité surprenante de certaines entreprises tout au long de la pandémie ne doit pas être interprétée par ailleurs comme une preuve d’« une augmentation indue des prix » au cours de la pandémie, prévient le DPB. « Une augmentation des bénéfices peut tenir à plusieurs facteurs, comme l’augmentation de la productivité, des économies d’échelle ou la réduction du coût des intrants. »