Quand l’État vend aux enchères des voitures et montres de luxe saisies par la justice

Quand l’État vend aux enchères des voitures et montres de luxe saisies par la justice

Le lot le plus cher ? Une Lamborghini Aventador qui sera mise en vente avec un prix de départ de 150 000 €. Les amateurs de voitures rutilantes pourront aussi, au hasard de leurs emplettes, opter pour une Ferrari 348 TS ou une Porsche Cayenne dont les mises à prix seront respectivement de 48 000 € et 32 000 €.

Ceux qui préfèrent boire plutôt que conduire se laisseront peut-être séduire par 12 bouteilles de Romanée Conti pour 22 000 €. Et il y en aura pour toutes les bourses. Les acheteurs, plutôt clients du Bon Coin que des salles de vente haut de gamme, pourront repartir, s’ils ont 30 € en poche, avec un vélo de ville équipé d’un panier bien pratique sur le devant, mais un guidon « en état moyen ». Et une révision « à prévoir », selon l’expert ayant estimé son prix de départ.

Une vente organisée à Bercy

C’est une vente aux enchères un peu particulière qui va être organisée en marge d’un colloque, ce jeudi 4 novembre, en présence d’Éric Dupond-Moretti. Dans la matinée, le ministre de la justice se verra présenter 300 biens qui seront proposés à la vente le lendemain dans des locaux du ministère de l’économie et des finances. Des enchères pour la bonne cause, notamment budgétaire, car l’argent recueilli grâce à cette vente « exceptionnelle » de 300 « lots prestigieux » sera reversé aux finances publiques et à des associations. Et si Éric Dupond-Moretti est de la partie, c’est parce que ces tous ces biens ont été saisis dans le cadre de procédures pénales.

Cette vente est en effet organisée par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), qui fête ses dix ans d’existence. La mission de cet établissement public est de gérer les biens et les comptes bancaires saisis par la justice.

« Quand une personne est placée en garde à vue ou mise en examen, il y a un risque qu’il fasse tout pour dilapider très vite son patrimoine afin d’éviter qu’on ne lui confisque en cas de condamnation. À ce stade, une saisie peut être ordonnée par le procureur de la République, le juge d’instruction ou celui de la liberté et de la détention. Cette saisie permet de geler ce patrimoine le temps que la procédure aille à son terme », indique Nicolas Bessone, directeur général de l’Agrasc.

Quand l’État vend aux enchères des voitures et montres de luxe saisies par la justice

→ TRIBUNE. Biens mal acquis, les transférer au service de l’intérêt général

En cas de feu vert de la justice, certains biens peuvent alors être mis en vente sans attendre l’issue de la procédure.« Dans certains cas, il peut s’écouler cinq ou six ans avant que la justice ne statue de manière définitive dans une affaire. Durant toutes ces années, les biens peuvent se détériorer ou perdre de la valeur. Durant cette période, la justice doit aussi assurer le gardiennage des voitures, ce qui peut coûter cher. Si cela est possible, il vaut mieux vendre tout de suite », explique Nicolas Bessone.

Ensuite, si le mis en cause est relaxé ou acquitté, il se verra restituer l’argent obtenu par la vente de ses biens. « Mais on veillera, au préalable, à s’assurer qu’il ne présente pas de dettes fiscales ou sociales ainsi que des amendes, ajoute-t-il. L’an passé, on a eu ainsi une somme de 50 millions d’euros à restituer mais sur laquelle 10 millions ont servi à payer des dettes ou amendes non réglées. »

50 millions versés à l’État l’an passé

Les biens immobiliers, eux, peuvent être gelés durant l’enquête mais leur vente ne peut intervenir qu’à l’issue d’une condamnation définitive. Les sommes en liquide ou celles figurant sur les comptes bancaires des délinquants présumés sont, elles, placées sur le compte de l’Agrasc. « Aujourd’hui, nous avons 1,5 milliard d’euros sur notre compte. Mais avant de disposer de cet argent, on doit attendre l’issue des procédures. L’an passé, on a quand même reversé au budget général de l’État 50 millions d’euros. Avec nos fonds, on peut aussi soutenir la prévention de la toxicomanie ou du proxénétisme », précise Nicolas Bessone.

Ces saisies et confiscations sont un bon baromètre de la manière dont les individus, impliqués dans le grand banditisme, le trafic de stupéfiants, le proxénétisme mais aussi la délinquance financière, dépensent leur argent. Dans cette vente aux enchères un peu spectaculaire, on trouve des grosses cylindrées, des bijoux, des pièces et des lingots d’or, des sacs à main, des bouteilles de grands crus, des tablettes, des smartphones ou des consoles de jeux.

« Sans surprise, beaucoup de délinquants apprécient les biens très ostentatoires. Dans le grand banditisme, avoir une grosse voiture ou une montre très coûteuse est un marqueur de réussite professionnelle », souligne Nicolas Bessonne.

Mais dans certains cas, les ventes sont plus inattendues. L’an passé, l’Agrasc a tiré 312 580 € d’une parcelle de vignes située dans la Marne. Et elle a vendu… un troupeau de 300 vaches dans le Jura.