Léonard Pomez est en ébullition avec ses collègues : lui qui n’y connaissait pas grand-chose en cartes à collectionner Pokémon ou Magic (excepté le fait d’en avoir eu quelques-unes lorsqu’il était enfant), organise la vente de plusieurs dizaines de lots dont une carte Dracaufeu de la première édition (1999) notée 9/10 holographique et en excellent état.
Après une grosse journée de douze heures de briefing intensif avec le vendeur, tous les détails sont prêts avant la mise aux enchères, le 15 juin, de nombreux lots de cartes donc, mais aussi de jeux vidéo, de magazines et de jouets anciens. Une vente qui devrait bénéficier d’une véritable euphorie – voire hystérie – autour des cartes Pokémon.
Les ventes aux enchères cartonnent depuis le début de la pandémie de Covid-19, explique Léonard Pomez : « Il y a un double effet confinement avec des acheteurs qui ont pu économiser durant la période et qui ont très envie de se faire plaisir une fois la crise passée. » Ces derniers ont été coincés chez eux, il n’y a eu ni sortie, ni restaurant, ni cinéma : certains ont acquis davantage de pouvoir d’achat pour de l’annexe, pour acquérir des objets plaisirs. « Les salles des ventes ont continué de travailler car nous sommes considérés comme essentiels, ne serait-ce que pour les successions. Toutes les ventes ont dû être effectuées en ligne. »
Un virage 100 % numérique qui a boosté les transactions : les ventes n’ont jamais aussi bien fonctionné que depuis un an et demi, confie le professionnel. Conjuguez les achats coups de cœur et des enchères 100 % digitales et vous perdez immédiatement le côté intimidant que peut avoir une salle des ventes. Le site Interenchères a pu, après presque vingt ans d’existence, fêter l’inscription de son millionième acheteur : « C’est devenu le site de référence sur lequel nous menons nos enchères. C’est un peu comme le Vinted des commissaires-priseurs ! »
Mais il reste un cheval de bataille : Démocratiser et rajeunir les ventes aux enchères en France. « Il existe un véritable maillage sur tout le territoire avec 400 commissaires-priseurs, sans compter la force d’internet. » Malgré le métier de Léonard Pomez, sur une dizaine de ses amis, seuls un ou deux ont déjà passé la porte d’une salle des ventes. Il espère désormais que la vente de cartes à collectionner va pousser un public plus jeune à participer à la vente.
Si l’idée de se séparer d’une partie de sa collection pince un peu le cœur du vendeur, pour Maxime, Champenois de 33 ans, c’était une nécessité. Après voir fait le tour d’Europe pour des tournois, c’est le côté collection qui l’a emporté. « Il préférait finalement échanger ses cartes et montrer ses plus belles possessions que remporter des matches ! », explique Léonard Pomez. Mais certaines cartes deviennent presque difficiles à garder. « Il n’ose plus les conserver chez lui : elles sont dans un coffre-fort à la banque. » Un revendeur qui a conscience de l’état d’excitation dans laquelle se situe le marché des cartes Pokémon en ce moment.
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Lui-même acheteur sur la plateforme Interenchères, il a senti que les ventes cartonnent en ce moment. « Il s’est dit que c’était peut-être le bon moment, avant que nous retrouvions tous notre vie d’avant le Covid-19, de profiter de cette bulle pour vendre cette partie de sa collection », analyse Léonard Pomez. Car peut-être que dans trois mois, toute cette effervescence va retomber comme un soufflé. « C’est comparable au marché boursier ou immobilier. »
Lors d’une vente aux enchères, il y a une estimation du bien et le vendeur peut demander qu’un prix de réserve soit imposé : un prix en deçà duquel le lot n’est pas vendu. Pour cette vente, aucun prix de réserve : Maxime veut faire confiance au marché, explique le responsable de la vente : « Il ne veut pas fixer de prix minimum, il considère qu’il a acheté ses cartes il y a plus de vingt ans à un tout petit prix, il y gagnera quoi qu’il arrive. »
Des cartes qui feront plaisir à d’autres collectionneurs et qui continueront à vivre entre d’autres mains. Les premiers lots Pokémon sont gradés PSA 9/10 et 10/10 en parfait état, de première édition et holographiques. La carte Dracaufeu est estimée à un prix très bas : entre 2500 et 3 000 €. L’intérêt est aussi d’attirer du monde : « J’ai envie de vous dire qu’il faut être à cette vente aux enchères car il y a sans doute de beaux coups à faire ! »
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On ne doute pas que ces cartes rares devraient s’arracher à des prix bien supérieurs à leurs évaluations.
Si aujourd’hui, une telle vente peut faire rire certains, Léonard Pomez considère que ces cartes sont les antiquités de demain. « C’est un marché de trentenaires ou de jeune quadragénaire qui ont un peu de moyens et qui investissent. Ils préfèrent s’acheter des cartes qu’un tableau, un sac de luxe ou un meuble ancien. »
Lui constate que dans l’univers du jeu et du jouet, les modes durent trente ans. En 1900, on jouait avec des poupées en porcelaine, en 1930 avec des petits jouets mécaniques, en 1960 avec des Dinky Toys, ces petites voitures de collection.
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Dans les années 1990, ce sont les Pokémon et les jeux vidéo qui dominent. Pour Léonard Pomez, « tout l’enjeu aujourd’hui est de faire participer des acheteurs qui ont plus l’habitude de se rendre sur des sites comme eBay ou CardMarket ».
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