Née il y a 10 ans à Paris, The Kooples a rapidement su se faire une place sur un marché plutôt saturé.
Présente dans une trentaine de pays et dans plus de 400 boutiques, la griffe doit son succès à la personnalité de ces trois garçons qui, comme tous les représentants de leur génération, évoluent à mi-chemin entre deux mondes : celui bien réel, représenté par leur famille, leur cercle d’amis, et l’autre complètement virtuel des réseaux d’influences (réseaux sociaux, influenceurs...) dans lequel ils s’inscrivent.
Lorsqu’ils lancent The Kooples (un clin d’oeil à la prononciation par un francophone du mot anglais "couples "), les frangins attirent l’attention en misant sur des duos aux looks très rock’n roll pour leur campagne.
Positionné dans le créneau "luxe accessible par la classe moyenne", The Kooples s’inscrit dans une idée de tribu. Et chez les Elicha, la tribu, la famille, c’est très important. Baignés dans le textile depuis toujours, Alexandre (43 ans, en charge de la collection masculine) Laurent (42 ans, responsable de la ligne femme) et Raphael (à la tête de l’image du label) sont les fils des deux fondateurs du label français Comptoir des Cotonniers (à l’origine des inoubliables campagnes de pub mère/fille dans les années 2000).
Durant leur enfance, il n’était pas rare de croiser Jean-Paul Gaultier venu discuter boutons et doublures avec leur mère dans la cuisine de la maison familiale.
En 2018, plus aucune marque ne peut se targuer de faire du business comme il y a dix ans. Et ça, ce n’est pas à Alexandre, Laurent et Raphael qu’il faut l’expliquer. Passés maîtres dans l’art du grand écart, ils ont vite compris que pour continuer à exister il ne fallait pas être à un paradoxe près.
Alexandre : "On a la chance d’avoir évolué dans le même univers depuis toujours. La mode, c’était notre terrain de jeu. On s’est toujours amusés à se construire un look à part." Dix ans après son lancement, si elle s’était longtemps cantonnée dans un registre plutôt masculin, rock et très black, cette marque aurait pu s’essouffler. Pour permettre à The Kooples de conserver sa vitalité, les frères Elicha ont choisi de retravailler une partition déjà bien rodée.
Une décennie après leurs duos d’amoureux très buzz, ils ont récemment décidé de surfer sur la vague des néo-influenceurs. Leur idée : faire appel à des musiciens, comme le chanteur Zayn Malik (25 ans) ex-membre du groupeOne Direction et accessoirement boyfriend de Gigi Hadid, avec qui il forme l’un des couples les plus influents de leur génération, ou encore des top models aux millions de followers sur Instagram.
En soi, le concept n’a rien de vraiment innovant. Sauf qu’ici, cette idée d’égérie repose sur un concept communicationnel beaucoup plus global : celui de véhiculer une image, mais surtout une voix !
"Je ne pense pas qu’en 2018, on puisse encore se passer d’un regard extérieur sur nos collections, d’autant que le monde est saturé d’images. Les gens passent leur vie, rivés sur l’écran de leur portable. La concurrence est partout", exprime Alexandre. Il ajoute qu’il n’a ni télévision, ni aucune application Google sur son iPhone. La stratégie des frères Elicha consisterait donc désormais à faire le buzz sur Instagram au travers d’égéries qui, par leur profil artistique ou leur engagement social, donnent une voix à la marque.
Une manière d’éviter à The Kooples de tomber dans la désincarnation propre aux marques qui, dans l’abondance d’images inondant les réseaux sociaux, deviennent de pâles ombres 2D, au point de ne plus exciter grand monde. Surtout pas la jeune génération : celle du zapping, de l’interactivité, de l’image à tout prix et de la vie en tribus.
Pour l’automne, les frères Elicha ont réitéré l’expérience de la muse/créatrice en confiant à Stella Maxwell et Irina Shayk la création d’une capsule de sacs. Avouons qu’il faut tout de même un brin d’imagination pour comprendre en quoi ces deux tops (la première est l’amoureuse de la comédienne Kirsten Stewart et l’autre, la compagne de l’acteur Bradley Cooper) qui ne sont ni artistes, ni musiciennes, ni comédiennes, s’inscrivent dans cette famille de néo-influenceurs, si ce n’est qu’elles sont des starlettes d’Instagram.
Mais là encore, on n’apprend pas leur métier aux Elicha. S’ils ont le chic pour mixer une robe fleurie aux épaulettes de garçon, un perfecto vintage et une paire de rangers (leur définition de la nouvelle silhouette The Kooples), ils ont forcément des arguments pour nous convaincre que ce choix d’égéries est tout à fait cohérent.
"Leur quotidien s’écrit sur Instagram, mais ces filles n’en restent pas moins ancrées dans la vraie vie. Le travail que nous avons réalisé avec elles est sincère. Stella et Irina se sont impliquées dans la création. Et c’est ce qui rend le projet cohérent", révèle encore Alexandre.
Réunies dans la pièce voisine pour une séance d’interview, Stella et Irina nous servent le même discours. Pour Stella, c'est même une évidence : "Les gens sont fatigués des jolies photos trop lisses. Au travers des images que nous postons, ils veulent découvrir notre personnalité. Aujourd’hui, le portfolio d’un mannequin doit être l’expression de son identité, voire de ses opinions."
Dans le cas des deux tops, amies dans la vie, ces messages, à défaut d’être militants, se veulent émancipant. Irina : "Nous voulons véhiculer une image plus réelle qu’avant. Sur les photos de la campagne, on n’avait pas forcément envie de maquillage et encore moins de poses classiques."
Derrière ce discours un peu trop orchestré se cache une réalité à laquelle les marques ne peuvent pas échapper : celle de consommateurs en quête de nouveaux codes. À la fois surexposée et désireuse de conserver une certaine confidentialité, la jeune génération se retrouve dans une mode qui, comme elle, brouille les pistes et cherche de nouveaux modèles. Une stratégie qui, on s’en doute, laissera vite place à d’autres. D’où la nécessité pour les marques d’anticiper le changement. Encore et encore...
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