Monogram, le "meilleur ennemi" du luxe

Monogram, le "meilleur ennemi" du luxe

La journée commence par une petite vidéo façon téléshopping. Beverly (son prénom n'a pas été changé), belle brune de 35 ans, s'adresse à la caméra pour présenter les nouveautés de la journée. La veille, plusieurs "vendeuses" se sont présentées, sur rendez-vous, au siège parisien de ­Monogram. Elles y ont apporté des pièces de maroquinerie qu'elles se sont résolues à revendre : un Mini C de Chloé, un Lady D de Dior, parfois même un Kelly ­d'Hermès. Tous ces sacs, parfois quasi neufs, Beverly les inspecte sous toutes leurs coutures, les porte, les montre à la caméra.

Sur les réseaux sociaux, des centaines d'acheteuses sont devant leur écran. Si elles trouvent parmi les nouveautés du jour l'objet de leur désir, elles prendront à leur tour rendez-vous chez Monogram pour le récupérer. Sur place, elles pourront craquer pour un autre produit exposé dans le vaste appartement transformé en dépôt-vente multimarque : pochettes, lunettes, chaussures, foulards…

Récupérer des produits, le nerf de la guerre

Depuis quelques jours, ­Monogram propose une autre adresse à ses clientes : le troisième étage des Galeries Lafayette. Le grand magasin du boulevard ­Haussmann vient d'ouvrir un espace de 500 mètres carrés baptisé (Re) Store, destiné au "déjà-porté". Sur 50 mètres carrés, les sacs vintage de ­Monogram s'offrent une vitrine de premier choix, aux côtés d'autres spécialistes comme Personal Seller, Entremains ou Relique.

"Nous souhaitions que notre offre évolue pour être plus responsable, explique Alix ­Morabito, directrice des projets spéciaux aux Galeries Lafayette. La seconde main est une réponse et constitue un gros enjeu commercial." Avec une croissance de 15 à 20 % par an, le secteur pourrait dépasser la fast fashion d'ici à 2028 pour peser plus de 1 milliard d'euros de chiffre ­d'affaires.

"Notre présence aux Galeries Lafayette doit nous permettre de vendre plus, de faire connaître la marque, de susciter la confiance et de générer de nouveaux dépôts", analyse Beverly Sonego, fondatrice de Monogram. La capacité à récupérer des produits constitue le nerf de la guerre pour les spécialistes de la seconde main. Et Beverly en a fait un art.

Sortir du lot face à des concurrents puissants

À 35 ans, cette mère de quatre enfants a déjà derrière elle des années de "collecte". Après avoir vidé les placards de ses proches, elle commence à faire des "domiciles" pour dénicher des pièces "à fort potentiel" pour lesquelles elle a déjà identifié des clientes. Quand son appartement devient trop petit pour stocker le butin de ce qui s'appelle encore ByLuxe, elle prend un premier showroom, puis un deuxième un peu plus grand avec sa partenaire de toujours, Ornella Perez. Au début de 2021, ByLuxe devient Monogram.

En moins de dix ans, les deux jeunes femmes ont vu s'emballer à la fois l'offre et la demande pour le luxe d'occasion. "Pour justifier les prix pratiqués et, surtout, leur augmentation constante, les marques jouent sur la valeur résiduelle de leurs produits. Vous achetez un sac à 2 000 euros car vous savez que si vous vous en séparez vous en obtiendrez un bon prix", analyse Ornella Perez. "Les marques ont besoin de nous, assure Beverly Sonego. Nous sommes leur meilleur ennemi. C'est le sens de l'Histoire."

Pour sortir du lot, face à des concurrents puissants comme Vestiaire Collective ou même eBay, Monogram insiste sur la mise en valeur des produits. Sur les réseaux sociaux, Beverly adopte les codes des influenceuses et, sur le site, la présentation des produits reprend ceux du luxe. Objectif : assurer un fort taux de rotation. "70 % des produits trouvent preneur dans les soixante-douze heures, précise Cécile Maudy, directrice générale de Monogram. La valeur du panier moyen s'établit à 800 euros, avec une majorité de pièces entre 1 000 et 1 200 euros." Après une ­vingtaine d'années passées chez Veepee, ex-­Venteprivée.com, la spécialiste du commerce en ligne a rejoint la petite "famille" Monogram. Son expertise va accompagner le développement en Chine, qui se profile, et la recherche ­d'investisseurs, qui a déjà ­commencé.