Danone : « dans l’usage de la donnée, il faut passer d’abord par la case business »

Danone : « dans l’usage de la donnée, il faut passer d’abord par la case business »

Améliorer la performance de l’entreprise grâce à la donnée est un défi permanent dans un grand groupe. De multiples actions de transformation doivent être menées sur la durée.

Chief Digital Officer de Danone depuis 3 ans


C’est ce que réalise Domitille Doat, Chief Digital Officer depuis 3 ans de Danone, géant français de l’alimentaire. Danone commercialise des produits laitiers, des produits basés sur les plantes, des produits médicaux, de la nourriture pour enfants et de l’eau.

Pour la CDO, ses actions passent par « désiloter » les données, rassurer les différentes divisions de l’entreprise, former les gens, passer par la case business avant de se lancer dans la technique, s’outiller pour écouter les clients, mesurer le retour sur investissement, prévoir la maintenance des systèmes, ultra personnaliser la relation quand cela est possible et nécessaire, segmenter la clientèle, etc. La Chief Digital Officer est intervenue à l’occasion de la journée organisée par l’éditeur américain Adobe le 13 novembre à Paris.

« Divers types de données affluent chez Danone. Nous avons de la First Party Data, puisque les mamans s’enregistrent bien évidemment sur nos plateformes » indique la CDO. « Nous avons aussi des données transactionnelles qui viennent de nos sites de vente en ligne qui sont peu connus mais qui prolifèrent à l’étranger car nous distribuons de l’eau directement dans les foyers dans de nombreux pays et à Paris avec Evian chez vous » dit-elle. Il y a donc de la donnée sur l’expérience client venant des mamans qui se sont enregistrées dans les clubs de Danone, ou des datas purement transactionnelles. Le challenge pour Danone était de « désiloter » ces données tout en respectant le RGDP (Règlement Général de Protection des Données).


Le réflexe de conserver ses données face aux autres divisons de l’entreprise

Pour tisser le lien avec le consommateur, le premier impact est vraiment de libérer les données. « Désiloter est probablement le plus gros challenge, la plus grosse opportunité » souligne la responsable. Chaque division de l’entreprise craint en effet que ses données ne soient mal utilisées par les autres. « Evidemment la First Party Data, on n’a pas envie que d’autres divisions l’utilisent. On a peur que nos consommateurs se fassent harceler » reconnaît la CDO. Un sacré enjeu dans un groupe comme Danone qui ne gère pas moins de 180 marques dans 90 pays.

« Il y a quand même un petit peu d’appréhension sur le sujet. Il y a donc un travail de rassurance » dit-elle. Il y a également un travail d’équipement tout en ne faisant pas n’importe quoi. « La première chose c’est de ne pas faire n’importe quoi sur la data » sourit Domitille Doat. Chez Danone, la data est utilisée pour de la performance. « Dans le secteur des produits de grande consommation, on n’est plus du tout extrêmement dispendieux en termes d’investissement. On veut que chaque investissement soit fait de manière pertinente et justifié » confirme la CDO.

Elle conseille de passer beaucoup de temps sur les cas d’usage et l’intérêt business, avant de rentrer sur de grands déploiements. « Si les cas business sont bien définis, et qu’il y a une excitation voire une très grande envie des résultats, les déploiements se font de manière plus agile et rapide » constate Domitille Doat. « Mais si le déploiement prévaut à l’intérêt business, on se retrouve parfois avec des Ferrari que personne ne sait utiliser. Il faut passer d’abord par la case business. C’est très important » insiste-t-elle.


Danone : « dans l’usage de la donnée, il faut passer d’abord par la case business »

Tout le monde doit être convaincu de l’intérêt financier

L’accélération de l’usage de la donnée en interne ne vient que quand l’avantage économique et financier est une évidence pour tout le monde, souligne-t-elle. « Nous l’avons fait avec des cas qui sont véritablement corrélés au business » dit-elle. Par exemple, « une campagne publicitaire télévision quand elle est efficace accroît automatiquement par 4 ou 5 le niveau de Search sur les mots clés et pas seulement sur votre marque, mais sur les mots que vous devez posséder. C’est l’indicateur data immédiat de l’efficacité d’une campagne » décrit-elle.

Il faut donc avoir scellé ces mots clés et emmené le client dans un écosystème derrière où l’expérienceest à la hauteur de ce que les gens ont cherché. « Sinon, vous avez raté le parcours client, vous créez une rupture de parcours » prévient-elle. C’est aussi le moyen d’accélérer la croissance, car c’est l’acquisition de consommateurs qui intéresse sur ce sujet là.

« La grande chance c’est que dans l’alimentaire, les gens passent beaucoup de temps à chercher sur Google, Amazon et d’autres plateformes, ce qu’ils peuvent cuisiner, si tel ingrédient est bon, s’ils doivent arrêter le sucre, et des applications mobiles permettent maintenant de scanner immédiatement les ingrédients » présente Domitille Doat. Plus de 40% des Seach dans le monde sont plus ou moins liés à l’alimentaire, ajoute-t-elle.

Des tactiques différentes selon les consommateurs

Cela implique des actions côté Danone. « Nous devons comprendre et dimensionner nos réponses à ce que les gens cherchent. Cela ne se fait pas uniquement avec de l’écoute toute la journée, il faut s’équiper en parcours clients et en analyse des parcours clients. Nous segmentons considérablement maintenant nos approches de réponse. Nous avons une même stratégie de la data avec des tactiques qui se déploient selon les consommateurs » résume-t-elle.

« Dans le cas de la nourriture pour les enfants, nous sommes dans l’ultra personnalisation puisque c’est de la First Party Data. Et nous avons une DMP sur les First Party Data, mais nous le faisons uniquement pour la nourriture enfantine, parce que c’est là que nous avons de la richesse de données » précise-t-elle.

Les mamans pour leur part étaient un sujet considéré jusqu’alors comme quelque chose de très monolithique chez Danone,appelé « The Mum ». « A partir du moment où vous avez un enfant, vous vous transformez en quelque chose de très générique qui est The Mum » présente-t-elle.La CDO défend une vision plus fine du sujet. « Tout ce que l’on lit sur les parcours, tous les signaux que l’on peut interpréter, nous montrent une diversité quasi surnuméraire à gérer pour nous. C’est pourquoi on doit s’outiller pour s’adresser de manière très pertinente sur des sujets aussi émotionnels que les naissances » relève-t-elle.

Mesurer l’efficacité d’un format de 2 secondes

Sur toutes les opérations de publicité digitale, le retour sur investissement est une question clé. « Comme nous ne vendons pas tout en direct, il y a le sujet de quel est le retour sur investissement de chacun de mes investissements, notamment digitaux, avec le paradoxe que plus les formats sont courts, plus le contenu est court, plus il est efficace, en tout cas c’est ce qui est dit et redit » statue-t-elle.


Elle remarque qu’on luit dit qu’il faut pitcher en 3 secondes et que le 30 secondes est fini. « Et pourquoi pas, c’est probablement vrai. En revanche, comment est-ce que je peux savoir qu’un 2 secondes est efficace ? » interroge-t-elle.La responsable relève qu’il y a sur le contenu et la performance du contenu, un vrai sujet qui est un peu à l’heure actuelle un pis aller. « On dit que l’important c’est le Reach,le Reach, mais il n’y a pas que cela, il y a aussi des signaux d’intérêt que les gens donnent et qu’il faut savoir interpréter » pense-t-elle. Un autre challenge étant la rapidité. « C’est un sujet à la fois technique et contenu. Cela nous demande d’aller un petit peu plus vite que ce que l’on a l’habitude de faire » reconnaît-elle.

La transformation de Danone a nécessité par ailleurs un important programme de formation. « Il y a un vrai sujet de personnes. Nous sommes en grande transformation par la formation sur la ‘Data Savyness’[NDLR : lucidité à propos des données] c’est-à-dire que l’on utilise la data pour résoudre des problèmes business, et non pas juste pour la collecter » remarque-t-elle.

Des formations qui montrent une adhésion

Ces grands programmes de formation lui ont donné beaucoup d’optimisme. « Il y a un vrai changement et une vraie appétence, une fois que la formation est passée bien que l’entreprise soit assez âgée, et soit présente dans 90 pays au travers de 180 marques » se réjouit-elle.

Il faudra maintenir ce qui a été bâti sur la durée. « Le plus gros challenge qui nous attend est probablement la maintenance. Parce que les personnes deviennent très qualifiées et qu’elles doivent continuer à évoluer dans l’entreprise. Mais il y a aussi la maintenance des systèmes. Ce sont des systèmes qui demandent de la vigilance et énormément de collaboration avec les équipes techniques. Ce qui est un énorme challenge dans une entreprise de cette taille. Il y a des opportunités d’automatiser beaucoup de choses, de rendre plus intelligents certains systèmes et moins manuels, et là on passe sur une génération plus avancée d’utilisation de la donnée, dans des entreprises qui sont encore en évolution » conclut-elle.

Domitille Doat : une culture data issue du jeu vidéo

Domitille Doat est Chief Digital Officer du groupe Danone depuis deux ans. Elle a passé plus de 15 ans dans le jeu vidéo, un univers très éloigné de la vente de produits alimentaires de grande consommation (FMCG ou Fast-Moving Consumer Goods ou PGC ou produits de grande consommation). Une grande partie de sa carrière s’est déroulée en Chine. Elle a également été responsable des technologies, « Head of Tech », durant 3 ans chez Fred et Farid, une agence digitale. « La data est au cœur de la façon dont on conçoit les jeux vidéos, et jamais il n’y a de débat sur data contre créativité » relève-t-elle. « C’est un flot permanent d’insights générés par les joueurs en temps réel, et la façon dont les jeux sont créés par ailleurs » ponte-t-elle. « Cette dichotomie n’existant pas dans le jeu vidéo, je m’emploie à ce qu’elle n’existe plus chez Danone » conclut-elle.

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