Consommation : ces petites sociétés néo-aquitaines qui font le pari de vous habiller français

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Mais voilà qu’en 2017, l’emploi repartait à la hausse (+3,6 % en effectif) avec 2 000 nouveaux postes. Un frémissement qui s’est confirmé depuis : le « made in France » qui survivait grâce à la spécialisation de l’Hexagone dans des tissus biosourcés et intelligents et grâce à l’industrie de la mode de luxe, reprend des couleurs et s’élargit à l’habillement du quotidien. Habillement pour lequel les importations demeurent encore largement la norme (85 % des biens consommés en France) avec quelques raisons d’espérer que leur pourcentage soit revu à la baisse.

C’est le pari fait par de nombreuses petites structures. Le Slip Français a été l’une des premières à ouvrir le bal. En Nouvelle-Aquitaine, bien que le territoire soit éloigné des berceaux de l’industrie textile que sont le Nord-Pas-de-Calais, le Grand Est, les Vosges et l’Auvergne-Rhône-Alpes, des initiatives « made in France » ont vu le jour. Derrière ce choix : la volonté de redonner du sens au mot consommer.

Tisser savoir-faire artisanal, transparence et éthique

24 avril 2013 : 1 127 personnes perdent la vie dans l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour de grandes marques internationales de vêtements. Pour Odile Dalla-Barba, c’est le déclic. « J’avais vécu près de vingt ans à l’étranger pour mon travail. J’avais des clients qui se fournissaient auprès de cette usine emblématique de la mode express. J’étais choquée. J’ai décidé de me reconvertir et de lancer depuis Bordeaux une marque de chemises écoresponsable et éthique, baptisée But you’re french. »

À la sortie de son Master entrepreneurial en 2017 à Bordeaux, Margaux Juranville fait appel au financement participatif pour donner vie à son projet de vêtements unisexe, en coton bio et fabriqués en France, et elle défend aussi une volonté « de produire autrement ». « L’industrie textile est la 2e industrie la plus polluante. Je ne prétends pas vouloir révolutionner le monde mais agir à mon échelle en proposant une production locale, respectueuse des conditions de travail, transparente, limitée en empreinte carbone et qualitative. »

Au commencement, pour Arthur Charle, son frère Tom et leur sœur Coline, jeunes cofondateurs de Cocorico, prêt-à-porter intemporel et abordable bordelais, le « made in France » représentait plutôt la facilité, « histoire de ne pas courir au Portugal pour trouver des usines de fabrication », mais très rapidement « au regard des savoir-faire existants sur le territoire français, de notre envie de coconstruire avec eux et de la volonté des consommateurs de donner du sens à leur acte d’achat, il est devenu une évidence », souligne Arthur.

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Maintien de l’emploi local et relocalisation

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Une fois l’ambition de fabriquer en France posée, reste à trouver les ressources industrielles qui vont donner vie au tee-shirt, sweat, boxer ou à la chemise. « Nous avons réalisé un tour de France des usines », raconte Arthur Charle. Aujourd’hui Cocorico travaille avec 11 ateliers partenaires : les matières sont tricotées dans des unités de la Somme, des Vosges et de l’Aube, les produits confectionnés dans le Nord et en Seine-Saint-Denis. Un petit détour par la Nouvelle-Aquitaine pour des espadrilles, made in Pyrénées-Atlantiques. « Nous avons mis au point avec nos partenaires des produits économiquement viables et abordables. On s’est rendu compte que la mode s’imposait des normes qui relevaient d’une tradition et qui n’avaient pas de sens économique. Comme la bande de propreté dans le col du tee-shirt que nous avons supprimée. On gagne 3 à 6 minutes de piquage sur un tee-shirt. C’est énorme pour concurrencer des produits fabriqués à l’autre bout du monde », poursuit le jeune cofondateur. Cocorico n’hésite pas non plus à accompagner ses partenaires dans l’investissement.

But you’re French a eu plus de difficulté à trouver une usine répondant « aux exigences du savoir-faire de la chemise ». C’est un atelier des Deux-Sèvres qui a fait son bonheur. « Il travaille déjà pour le luxe et a accepté ma petite structure. Le plus, c’est qu’il fait également du sur-mesure, une option que j’essaie de développer et qui a du succès. » Margaux Juranville a, quant à elle, trouvé son ou plutôt ses bonheurs dans des unités de Dordogne et une toute petite structure bordelaise.

Compétitivité et “made in France”, économiquement compatibles

Mais finalement est-ce rentable et compétitif de penser toute sa chaîne de production en France ? « Quand on me pose la question je réponds : ‘‘est-ce bien normal d’acheter un tee-shirt à 5 euros ?’’ Qui va payer l’impact environnemental et sociétal ? Si ce n’est pas le consommateur final, c’est quelqu’un d’autre… », lâche Margaux Juranville. Un tee-shirt Until est vendu 49 euros. « Le made in France coûte cinq à six fois plus cher que le made in Bangladesh. Le prix à la vente du produit français est plus élevé. On joue donc sur le coefficient de marge qui est de 2 ou 3 pour Until quand il est de 10 pour une marque internationale. »

Pour Cocorico, la clé, outre de baisser sa marge, revient à ne pas avoir de stock. « 30 % du prix d’un vêtement lambda, c’est le coût du stock et du risque de ne pas l’écouler. Le fabricant le fait porter au consommateur. Pas nous. Nous n’avons pas de collections selon les saisons mais une collection intemporelle. Nous achetons à nos partenaires les produits vierges et nous nous chargeons de l’impression ou de la broderie, à la demande, dans notre propre usine du Lot. Résultat, tout ce que nous produisons est vendu. » Et ça marche, Cocorico fait du volume : 210 000 produits vendus en 2020 avec une perspective de multiplier par 3 en 2021.

https ://www.cocorico.store ; https://untilcollection.fr ; https://butyourefrench.com

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