La beauté au-delà des sens

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La perte d’un sens peut-elle être compensée par ceux qui restent? Il semblerait que oui, comme le montre le témoignage de Sylvie Raphoz, une malvoyante genevoise passionnée par le monde du parfum (lire ci-dessous). Cette enseignante sexagénaire collectionne les flacons et la littérature dédiée depuis toujours. Logiciels et moyens auxiliaires lui permettent de consulter tout ce qui est écrit. Elle tient même un fichier Excel pour gérer ses trésors et rassembler les infos les concernant.

A l’écouter, on comprend que si la beauté se manifeste différemment, son quotidien ressemble à celui de toutes les femmes qui aiment prendre soin d’elles. Étonnamment, peu d’entreprises facilitent l’accès de leur assortiment aux personnes malvoyantes. Dans les exceptions notables, L’Occitane inclut le braille sur certains emballages depuis 1997 et s’engage dans le combat contre la cécité évitable dans le monde. Une spécificité liée à la personnalité de son fondateur, Olivier Baussan, profondément humaniste et un brin idéaliste. Chez Yves Rocher aussi, les initiatives sont nombreuses. La marque est partenaire depuis 2003 de HandiCapZero pour que chaque femme ait accès à la beauté.

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J’avais une mère et une grand-mère très coquettes. Je me rappelle les avoir vues se parfumer, j’admirais leurs gestes, les beaux flacons. J’ai perdu la vue vers l’âge de 10-11 ans, suite à un glaucome et un décollement de la rétine. On dit que la perte d’un sens exacerbe les autres; je pense que chez moi, l’odorat était déjà très développé. A l’adolescence, je me parfumais beaucoup, j’aimais les odeurs, celle de mon père, qui était très dandy et qui portait l’Eau de Cologne du Coq, de Guerlain. J’ai une passion pour les boisés, à base d’oud, d’encens, l’ambre aussi et les orientaux, ceux de Serge Lutens notamment. J’apprécie aussi les notes de cuir, les notes animales.

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J’ai fêté fin mars 2021 une année de perte de goût et d’odorat… j’ai parfois quelques sensations qui reviennent, un petit goût, une petite odeur, mais globalement, je ne sens rien. Paradoxalement, je n’ai jamais aussi bien mangé. Normal, c’est mon métier, je produis des contenus en rapport avec la gastronomie. La nourriture, c’est toute ma vie. Quand un truc pareil vous tombe dessus, vous n’avez pas d’autre choix que de vous réinventer, sinon autant se pendre tout de suite. Je ne cuisine presque plus. Comme je ne sens rien, j’ai peur de brûler les plats ou de laisser le gaz allumé. Je mets des alarmes! Cela a complètement changé ma manière de vivre. J’ai revu ma façon de manger, je me focalise sur les textures, la qualité des produits. Je suis devenue superexigeante sur les cuissons. Pour le bœuf ou les filets de perche, par exemple, inutile de mettre de la sauce, je veux un poisson parfait, c’est tout. J’ai vu plusieurs spécialistes, mais ils ne m’ont donné que peu d’espoir. J’essaie aussi de rééduquer mon cerveau car, chez certains, quand les choses reviennent, elles sont faussées. Ils ont des odeurs qui ne correspondent pas au produit qu’ils sentent!

Côté hygiène, je ne porte plus de parfum, j’ai peur d’en mettre trop, j’ai toujours détesté ça chez les autres. Je me lave beaucoup plus, car je ne peux pas sentir si j’ai transpiré, si j’ai eu chaud aux pieds. Je suis obligée de me détacher, de surmonter mon ignorance et de demander aux autres si je sens mauvais, d’en rire aussi. Je n’ai pas acheté de nouvelles marques de cosmétiques, je garde celles que je connais, car l’odeur des crèmes est importante et je ne sais pas si elles vont me convenir.

Au début, de par mon métier, je disais qu’à choisir, je préférais perdre l’odorat que le goût. Maintenant, je veux vraiment le retrouver, sentir les fleurs, le bord de mer ou l’odeur de mon petit-fils!

Les six premiers mois, je ne l’ai pas trop dit, car les gens mourraient dans les hôpitaux et cela aurait été malvenu. Maintenant, j’en souffre vraiment beaucoup, c’est un handicap au quotidien. Ce qui est dur, psychologiquement, c’est d’être dans le flou le plus complet quant au fait que cela revienne ou pas et de savoir que ce virus est toujours en moi, que je ne peux rien faire, si ce n’est espérer et continuer à essayer de vivre le plus normalement possible.

Une marque pionnière

L’Occitane en Provence propose une lecture en braille sur ses emballages depuis 1997. Par ailleurs, la marque commercialise chaque année un produit dont la recette finance des programmes de lutte contre la cécité. La Fondation L’Occitane est née en 2006 avec pour champ d’action prioritaire la vue. Elle œuvre de façon locale et internationale, en partenariat avec des ONG comme l’Unicef. Quelque 285 millions de personnes sont aveugles dans le monde et 80% de ces déficiences visuelles pourraient être évitées ou guéries.

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