Aux Philippines, la solidarité s'organise face à la précarité liée au Covid

Aux Philippines, la solidarité s'organise face à la précarité liée au Covid

Depuis quelques semaines, des stands offrant gratuitement de la nourriture font leur apparition dans les rues aux Philippines, où de plus en plus de familles n'arrivent pas à joindre les deux bouts à cause des restrictions contre la pandémie, dévastatrices pour l'économie.

Juliet Reyes, balayeuse de rue, se fournit régulièrement en fruits et légumes auprès de l'un de ces stands solidaires, nombreux à Manille, approvisionnés par des bénévoles.

Le dernier confinement en date imposé en mars à la capitale, véritable poumon économique de l'archipel, a entraîné la perte de centaines de milliers d'emplois et beaucoup de ses 24 millions d'habitants n'ont plus aucun revenu.

"Je leur suis très reconnaissante. C'est une immense aide pour nous qui sommes dans la plus grande précarité", témoigne Mme Reyes, 41 ans, qui peine à nourrir une famille de huit personnes avec son maigre salaire de 200 pesos (3,40 euros) par jour.

Patricia Non, 26 ans, est à l'origine de cette initiative nationale spontanée. Il y a quelques semaines, elle a parqué au coin d'une rue de Manille très fréquentée un chariot rempli de riz, de pâtes, de conserves et de légumes glanés dans sa cuisine.

"Donnez ce que vous pouvez, prenez ce dont vous avez besoin", proposait aux passants un panneau en carton écrit à la main.

Le chariot s'est vidé en quelques heures et Patricia Non a lancé sur Facebook un appel aux dons, devenu viral.

Très vite, les contributions ont afflué et les bénéficiaires sont devenus des milliers. Chaque jour, ils font la queue, dès la levée du couvre-feu à 5 heures.

"Beaucoup sont dans le besoin et j'ai plus qu'assez pour moi à la maison", explique à l'AFP Patricia Non, qui désormais centralise des dons de nourriture destinés à d'autres stands.

Aux Philippines, la solidarité s'organise face à la précarité liée au Covid

- "Une mesure palliative" -

"Ce n'est pas une solution à la faim et à la pauvreté. Mais c'est une mesure palliative", souligne la jeune femme.

Son geste charitable a inspiré d'autres personnes, dont des policiers, des églises ou des garde-côtes, qui ont commencé à installer leurs propres stands offrant de la nourriture dans tout l'archipel.

Sur les réseaux sociaux, des photos montrent des tables regorgeant de dons, avec des gens, le visage couvert d'un masque et munis de sacs à provisions, qui font la queue. Certains stands proposent également de la nourriture gratuite pour les animaux de compagnie.

Ces actions de solidarité alimentent les critiques sur les insuffisances de la politique du gouvernement envers les plus précaires alors que les confinements ont mis à mal l'économie et que des millions de personnes souffrent de la faim.

Lors du dernier confinement de Manille et sa région entamé fin mars, le gouvernement a offert une aide de 1.000 pesos par personne ou 4.000 pesos (69 euros) par famille. Jusqu'à présent, à peine deux tiers de cette aide ont été distribués.

Le porte-parole du président Rodrigo Duterte, Harry Roque, a salué les stands de nourriture comme reflétant "le meilleur des Philippins dans les pires moments".

Mais un porte-parole de la force de lutte contre les communistes, mise en place par le président, a accusé les bénévoles d'être des sympathisants des rebelles et de faire "le travail du diable".

Patricia Non pointe les limites de l'action gouvernementale et pense que "le concept des stands solidaires ne connaîtrait pas un tel succès s'il n'y avait pas de besoins".