Ce que les tubes de l'été 2015 disent de la société française

Ce que les tubes de l'été 2015 disent de la société française
Par Agathe Charnet
Publié , Mis à jour

Hit mondial, morceau dégoulinant de bons sentiments ou rap positif pour conjurer la crise économique, les chansons de l'été sont les témoins et les révélateurs de la société française.Ce que les tubes de l'été 2015 disent de la société française Ce que les tubes de l'été 2015 disent de la société française

Le long prélude de l'Été indien (1975), la mélopée envoûtante de la Lambada (1989) ou les refrains entêtants de David Guetta (années 2000). «On a tous dans l'cœur un tube de l'été» aurait pu chanter Laurent Voulzy dans Rockollection (1977). Et si les Français tiennent autant à leur «tube» estival -l'expression «tube» aurait été popularisée par Boris Vian en 1957, remplaçant le terme «saucisson» utilisé auparavant-, c'est que ces chansons ont bien plus à dire sur l'Hexagone qu'il n'y paraît. Ressassées dans les supermarchés, fredonnées sur l'autoroute des vacances ou placées en bande-son de folles soirées dansantes, elles sont à la fois les témoins et les révélateurs de ce qui marque a posteriori une génération.

Tandis que le mois d'août incite à invoquer les démons de minuit, le Figaro vous propose une analyse en musique des tubes de l'été 2015.

La France à l'ère de la mondialisation: les global hits

De Bangkok à New York en passant par Brive-la-Gaillarde, la jeunesse se trémousse sur ces hits mondialisés qui martèlent leur succès à coup de caissons de basses au bord de l'implosion et de textes souvent aussi recherchés que le début de l'alphabet. Cette année, les clips les plus populaires -qui avoisinent en moyenne 300 millions de vues sur YouTube- surfent sur l'exotisme et l'équation bien connue des producteurs: (filles dénudées) + (paroles suggestives) = succès assuré. Lean on de Major Lazer se déroule ainsi dans un palais de maharadjah tandis que Nicki Minaj, dans Hey Mama de David Guetta, s'engage dans un combat des plus féministes: «Oui, je fais la cuisine, oui je fais le ménage, oui, tu es le patron et oui je te respecterai». Si les détracteurs de ces rois de l'été s'insurgent contre l'uniformisation d'une culture-monde, ces morceaux ont du moins le mérite de faire danser à l'unisson le village global.

Turpitudes amoureuses et grands sentiments: les Feel good songs

Ce que les tubes de l'été 2015 disent de la société française

Un déluge de bons sentiments s'écoule dans les oreilles des auditeurs tandis que Louane chante les premiers émois adolescents dans Jour 1 ou que le fougueux Kendji déclare sa flamme façon flamenco dans Conmigo. Ces morceaux sont un peu à la chanson française ce que L'amour est dans le pré est au paysage audiovisuel. Faisant fi de la morosité ambiante, ils allient la simplicité à la bonne humeur et n'ont que l'amour à donner en partage. Même les rappeurs ont le cœur tendre et Maître Gims, sempiternellement caché derrière ses lunettes noires, apostrophe sa dulcinée: «J'étais censé t'aimer mais j'ai vu l'averse, J'ai cligné des yeux tu n'étais plus la même, Est-ce que je t'aime? J'sais pas si je t'aime.»

Les tubes de l'été à l'heure de la crise: le «rap positif»

Si le tube de l'été est généralement lié à l'insouciance, certains artistes n'hésitent cependant pas à s'engager et osent le constat de crise. Dans Millionnaire, le marseillais Soprano fustige le capitalisme, «les fanatiques et leurs armes» et déclare «vouloir être riche» uniquement du sourire de sa belle. De son côté, le rappeur Nekfeu dans On verra brosse le portrait d'une jeunesse sacrifiée et prône une insouciance décomplexée: «On verra bien c'que l'avenir nous réservera, vas-y, viens, on n'y pense pas». Si les maîtres du rap s'éloignent de plus en plus des poncifs de rebelles entourés de jolies filles, les jeunes frères toulousains Big Flo et Oli prônent carrément «un rap positif» et déploient leur univers musical sur des textes à l'écriture soignée.

Les découvertes du Net: les tubes de l'été 2.0

Qu'il semble loin le temps où seules les maisons de disques désignaient un ou deux élus pour faire vibrer la France! En 2015, les internautes ont eux aussi leur mot à dire et voici que le trio L.E.J issu de la Seine-Saint-Denis enflamme les réseaux sociaux en frôlant les cinq millions de vues en à peine une semaine. Au violoncelle et à la caisse claire, les trois filles reprennent justement de leurs voix suaves les succès estivaux. Enfin, les stars de YouTube, véritables idoles 2.0 des adolescents, ne sont pas en reste et les jeunes «YouTubeuses beauté», Caroline et Safia, proposent elles aussi un clip coloré à l'esthétique inspirée du réseau social Instagram. Qu'on s'en aille a déjà été vu plus d'un million de fois.

Alors qu'on se le dise, en 1960 comme en 2015, qu'elle s'en aille ou qu'elle revienne, rien ne se chante, ne se danse ni ne se retient mieux qu'une chanson populaire!