Il existait bien quelques monographies consacrées ici à Suzanne Belperron, là à Loulou de la Falaise et évidemment pas mal d’écrits sur Gabrielle Chanel. Mais rien qui rassemble dans un même ouvrage l’apport, sur un siècle, des femmes à l’histoire de la joaillerie et du bijou. « En creusant la question, j’ai même littéralement découvert le rôle essentiel joué par Renée Puissant, explique Pauline Castellani, journaliste, historienne de formation et autrice de Libres & créatrices qui vient de paraître aux Editions de La Martinière. C’est pourtant sous sa direction artistique qu’est apparu ce qui fait encore référence chez Van Cleef & Arpels. » On parle du légendaire Serti mystérieux, du collier Zip ou de l’emblématique montre Cadenas… Rien de moins.
L’ouvrage invite dans ses pages neuf femmes qui ont, dans des registres variés (mode, haute joaillerie, art, design…), des matériaux divers (bronze, papier mâché, diamants…), des décennies différentes (les années 1930, les seventies, le XXIe siècle…), suivi leur intuition et leur sensibilité, défendu leur vision en dépit des carcans esthétiques et idéologiques jusqu’à imposer une autre façon de faire et de porter les bijoux.
Si les photos de certaines pièces peuvent rendre fous, amateurs et néophytes – comme le bracelet Menotte en or, améthystes et citrines de 1939, créé par Jeanne Toussaint pour Cartier ou le collier multicolore en talosel de Line Vautrin, matière qu’elle invente et « façonne comme le bronze » –, les portraits patiemment rassemblés donnent de la chair (et du style) à ces histoires merveilleuses dans lesquelles on plonge avec un plaisir certain. On feuillette, on s’attarde, on admire, on ne savait pas…
Si l’on se réjouit de retrouver Elsa Peretti, la créatrice décédée en mars, au cœur de l’intrigue de la mini-série Halston sur Netflix, on tombe des nues face à Elsa Triolet. La première femme à recevoir le prix Goncourt, en 1945, a créé des collections de bijoux exceptionnels, entre 1929 et 1932, pour les couturiers de l’époque. Et c’est son amoureux de poète, Louis Aragon en personne, qui va sous le nom de M. Triolet, avec une valisette remplie des créations de sa muse, jouer les « VRP VIP » auprès des maisons de couture et des acheteurs des grands magasins anglais et américains…
Chez elle, point d’or, d’argent ou de platine, mais des perles de verre, du papier pressé et, « plus surprenant, écrit Pauline Castellani, des boules de cotillon et des perles de coton, du cuir, de la paille blonde, des plaquettes en pierre et même du crin tissé » qu’elle monte en colliers d’une rare poésie.
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Aux antipodes, on trouve la folie précieuse de Victoire de Castellane chez Dior ou les déclarations comminatoires de Gabrielle Chanel, qui a fait du « faux plus beau que le vrai » et qui disait, en 1962, dans Elle : « Mes bijoux, je les ai tous dessinés moi-même. Mieux ! Je prends des blocs de cire, et je combine, j’incruste chaque pierre dedans une à une, je juge de l’effet, je m’amuse follement ! Si j’avais le temps, je n’aurais même pas besoin de quelqu’un d’autre pour les monter, je sais aussi bien qu’un joaillier. » Il n’est et n’a certainement pas toujours été simple de travailler auprès de ces personnalités fantasques et visionnaires, mais les côtoyer, là, au fil des pages, quelle richesse.
Libres & créatrices. Elles ont inventé le bijou moderne, de Pauline Castellani, Editions La Martinière, 192 pages, 29,90 €. Utilisez un code promo Fossil pour bénéficier de promotions sur les montreshttps://www.lemonde.fr/codespromo/fossil
Caroline Rousseau
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