Récit : L'incroyable destin de Jean Schlumberger, le joaillier préféré des socialites new-yorkaises

Récit : L'incroyable destin de Jean Schlumberger, le joaillier préféré des socialites new-yorkaises

Pour l’instant, voici Schlumberger mobilisé. Les Panzer allemands déferlent sur la France : terminé, les vacances en bande à Antibes chez le prince Jean de Polignac et le ski à Davos avec Cecil Beaton. Coincé à Dunkerque parmi 400 000 soldats encerclés par les troupes nazies, Schlumberger réussit à échapper au siège de la ville et à rejoindre l’Angleterre dans une ambiance de fin du monde. Quelque mois plus tard, le téléphone sonne chez Diana Vreeland. « Je suis à Montréal. – Qui parle ? demande Diana Vreeland. – C’est Johnny. Schlumberger. Je suis avec deux amis. Nous venons à New York. Nous sommes terriblement fatigués. »Récit : L'incroyable destin de Jean Schlumberger, le joaillier préféré des socialites new-yorkaises Récit : L'incroyable destin de Jean Schlumberger, le joaillier préféré des socialites new-yorkaises

Qui sont ces deux amis ? Bongard ? Bouchage, le grand amour de sa vie ? En tout cas, un nouveau chapitre commence qui va durer. À Manhattan, sans doute aidés par Vreeland et les Américaines à briquet-poisson, Schlum et Bongard ouvrent une première adresse au 745 Fifth Avenue, tout près de Central Park. « Johnny » travaille en même temps chez Ninon, couturière de l’élite installée sur la même artère et qui, vingt ans plus tard, créera le fameux tailleur rose porté à Dallas par Jacqueline Kennedy. Il dessine pour l’instant des collections qui électrisent le petit milieu du style VIP, saluées par Virginia Pope, inventrice du journalisme de mode pour le New York Times. Mais on n’échappe pas à son époque : quand les États-Unis s’engagent dans le conflit, Schlumberger rejoint les Forces françaises libres, d’abord à Londres, puis au Liban, où il se passionnera pour la réalisation de tapis et de broderies artisanales vendus par les dames de la bonne société ­beyrouthine en faveur de l’effort de guerre. On est artiste ou on ne l’est pas... Rien qui ne dérange sa hiérarchie ni le futur gouvernement français qui lui confiera même plus tard la réalisation d’une croix pectorale pour sa béatitude le patriarche maronite d’Antioche. Johnny continuera de broder toute sa vie.

À la fin de la guerre, retour à New York. Cette fois-ci au 21 East 63rd Street, où l’on croise aussi bien Greta Garbo que la duchesse de Windsor et la baronne Philippe de Rothschild. Dix ans après avoir été nommé « The Gallic Man of the Hour » par le magazine Mademoiselle, ce grand quarantenaire élancé, avec son côté so french, discret, fidèle, est adoré du Tout-Manhattan, tout comme ses bijoux qui brillent dans les restaurants en vue, pour l’instant au Pavillon, au Café Chambord, plus tard à La Côte basque, La Grenouille... Les mêmes endroits où l’on peut croiser un certain Walter Hoving.

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