Congrès LR: «Et si c'était Ciotti ?»

Congrès LR: «Et si c'était Ciotti ?»

David Desgouilles est chroniqueur à Marianne. Il a publié Dérapage (éd. du Rocher, 2017) et Leurs guerres perdues, (éd. du Rocher, 2019).


FIGAROVOX. - Qu'avez-vous pensé de la tonalité des échanges au cours du débat LR qui a eu lieu lundi 8 novembre ?

David DESGOUILLES. - On sentait bien qu'aucun des protagonistes ne voulait qu'on lui reproche d'avoir fait preuve d'agressivité envers un de ses concurrents. Les candidats ont donc donné des gages de camaraderie pendant tout le débat, se sont tous appelés par leurs prénoms, afin de renforcer l'effet de proximité. Finalement, les seuls moments d'agacement mutuel eurent lieu entre les candidats et les journalistes.

À ce propos, je note que ces derniers, obnubilés par ce qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique, ont voulu animer le débat «à l'américaine», réprimant ce qu'ils considéraient comme des hors-sujets, donnant même parfois leur avis à travers leurs questions, avis dont il est fort possible que les adhérents convoqués au congrès LR se fichent éperdument. Mais au moins les haussements de ton de Ruth Elkrief eurent un mérite : troubler le ronron de ce débat et nous permettre de se tenir éveillés jusqu'à la fin.

Quel candidat s'est le plus démarqué au cours du débat, selon vous ?

Congrès LR: «Et si c'était Ciotti ?»

Incontestablement, c'est Éric Ciotti, et à un degré moindre Philippe Juvin. C'est souvent d'ailleurs souvent les «petits poucets» qui cherchent à pousser leur avantage dans ce genre de confrontation, les favoris souhaitant rester prudents, car ayant beaucoup plus à perdre. Ainsi il y a cinq ans, c'est Jean-Frédéric Poisson qui avait plutôt été à son avantage, ce qui d'ailleurs ne lui avait pas été profitable quant à son score dans les urnes.

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Éric Ciotti s'est démarqué de ses concurrents dans la mesure où il fut le seul à se positionner comme proche d'Eric Zemmour. Il a appuyé sur les thèmes zemmouriens dès son introduction et fut le seul à ne pas vouer aux gémonies l'éditorialiste-presque-candidat. Quant à Philippe Juvin, il s'est davantage démarqué sur la question de la dépense publique, tentant de sortir parfois du débat d'experts-comptables qui dominait pendant une bonne partie de l'émission.

Sur les questions économiques, Xavier Bertrand a affiché une ligne plus sociale que ses concurrents… Est-ce une bonne stratégie ?

Il s'est affiché plus social que Valérie Pécresse et Éric Ciotti, certes, mais peut-être pas autant que Michel Barnier et plus encore de Philippe Juvin. Xavier Bertrand a d'ailleurs tenté de coller à ce dernier sur le thème de l'hôpital, en effet. Il me semble que cette stratégie n'est pas sans fondement, dans la mesure où le corps électoral du congrès de LR est caractérisé par une moyenne d'âge très importante, c'est-à-dire une population globalement plus susceptible de fréquenter le milieu hospitalier.

D'autre part, Xavier Bertrand sait qu'il faut reprendre une partie du troisième âge à Emmanuel Macron s'il est désigné par le Congrès. Il faisait ainsi d'une pierre deux coups. Mais globalement, il ne s'est pas vraiment démarqué de ses concurrents, qui ont tous comme lui le souci de rapprocher le salaire net du salaire brut. «Baisser les charges» fut le leitmotiv de la soirée. Il s'agit d'une très vieille chanson dans ce parti.

Les questions de l'Union européenne et de la souveraineté ont été peu abordées. Le regrettez-vous ?

À part Éric Ciotti dans son introduction, qui a été le plus précis en matière de proposition pour recouvrer une souveraineté juridique, ces questions ont en effet été peu abordées. Dans la mesure où le président de la République doit en premier lieu incarner souveraineté nationale et souveraineté populaire, je ne peux en effet que le regretter.

Un grand nombre de propositions détaillées par les candidats dépend en effet du contexte européen et de la faculté du futur gouvernement de s'extraire du cadre juridique et économique dans lequel notre pays tente difficilement de se mouvoir. Je note malgré tout qu'aucun n'a indiqué que son premier déplacement de président élu serait en Allemagne. Un esprit malicieux m'a soufflé hier soir que Xavier Bertrand s'y était déjà rendu en juillet dernier et avait déclaré sa flamme pour le traité d'Aix-la-Chapelle signé par Emmanuel Macron et Angela Merkel. Peut-être est-ce pour cette raison que Xavier Bertrand a tenu à préciser qu'il n'était pas question de partager le siège du conseil de sécurité de la France avec Berlin ou Bruxelles. Après ses déclarations de juillet sur ce traité, cela n'avait rien d'évident…