Au Rwanda, l’engouement pour les bars à lait

Au Rwanda, l’engouement pour les bars à lait

Il lui reste un trait de mousse blanche au-dessus des lèvres. Ferdinand Mutsinzi l’essuie timidement en reposant sa pinte sur la table. Il est 10 heures à Kigali et, comme chaque jour, ce jeune commerçant a pris une pause et a filé dans son bar préféré de la capitale rwandaise pour discuter avec un ami autour d’un verre d’ishyushyu. Ce mot, en kinyarwanda, la langue nationale, ne désigne pas une bière locale mais… du lait frais.

Ici, l’« or blanc » est servi à la pression, directement depuis la citerne qui trône à l’arrière de la pièce et qui brasse dans un ronron incessant les quelque 150 litres de lait de vache livrés au petit matin. Le tout sera écoulé dans la journée, à environ 50 centimes d’euro la pinte.

Fidèle à la retenue et à la pudeur rwandaises, Ferdinand Mutsinzi n’aime pas parler de lui. Mais quand il s’agit de bars à lait, sa langue se délie : « Ici, c’est mon bar à moi. Je ne vais nulle part ailleurs pour boire mes deux litres de lait quotidiens. » Autour de lui, tout, de l’immobilier à la peinture des murs, rend hommage à la boisson préférée des Rwandais. Dans ce temple du lait au décor bleu et blanc, il se sent à l’aise, comme chez lui. « J’ai grandi sous le pis des vaches familiales, en faisant la traite, en buvant du lait, en aimant le lait », raconte le trentenaire.

Au Rwanda, l’engouement pour les bars à lait

A la table du fond, un taxi moto vient de plonger le nez dans son verre. « Le lait caillé m’aide pour mes problèmes de ventre », lâche-t-il avant de remettre son casque et de partir. « Le lait est extrêmement nutritif, un enfant ne peut pas souffrir de malnutrition s’il en boit », renchérit le patron depuis l’arrière du comptoir.

Une pénurie de lait inédite

Difficile de dire combien de bars à lait compte Kigali. Au moins plusieurs centaines. S’y croisent presque toutes les classes sociales de ce petit pays d’Afrique centrale : chauffeurs de taxi venus prendre un en-cas entre deux courses, professeurs attablés devant un verre de lait chaud et un mandazi, ce beignet frit typique d’Afrique de l’Est, étudiantes chuchotant en sirotant une tasse de lait chocolaté… Dans des réfrigérateurs aux portes vitrées, on trouve le reste de la gamme des produits laitiers rwandais : lait fermenté, plus connu localement sous le nom d’ikivuguto, yaourts à la fraise ou à la vanille, et petits pots de ghee, le beurre clarifié traditionnel.

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