Des rois mages, une sorcière et des bains glacés: l’Épiphanie à travers l’Europe

Des rois mages, une sorcière et des bains glacés: l’Épiphanie à travers l’Europe

L’Épiphanie, ou «jour des rois», est une fête chrétienne qui célèbre l’adoration des mages devant Jésus, symbole de la manifestation du Christ au monde entier. En grec, «epiphanein» signifie en effet «faire voir, montrer» ou encore «ce qui apparaît». En France, l’Épiphanie est fêtée 12 jours après Noël, soit le 6 janvier. La célébration de l’Épiphanie a traversé les siècles, perdant son caractère exclusivement religieux. Dans l’Hexagone, la tradition veut que ce jour de fête des «rois mages» - même si les Évangiles ne parlent que de «mages» - , on partage, selon les régions, une galette ou couronne des rois dans laquelle est dissimulée une fève.

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En France, galette ou couronne des rois

Selon Nadine Cretin, historienne des fêtes, on retrouve la trace de la première galette en pâte feuilletée en 1311, à Amiens, grâce à Robert II de Fouilloy, évêque d’Amiens. Il s’agit alors d’un gâteau feuilleté sans fourrage. «La veille des Rois, on y enfermait une véritable fève (la légumineuse) pour désigner un roi, raconte-t-elle auFigaro Madame. Ce n’est qu’au XVIe siècle que le petit objet devient une pièce de monnaie, puis d’autres symboles porte-bonheur en porcelaine de Saxe en 1875». La symbolique, qui consiste à élire un roi, trouverait son origine dans la fête des Saturnales romaines, lors desquelles on élisait un roi avec des osselets ou des dés.

Aujourd’hui, c’est souvent la personne la plus jeune qui se dissimule sous la table afin de désigner la répartition des parts. Mais au XIXe siècle, la coutume était différente. Un président - la personne la plus âgée et la plus respectée parmi les convives - était désigné. Le président demandait alors au plus jeune garçon de la famille, monté sur la table, à qui offrir la première tranche du gâteau. L’enfant répondait «pour le bon Dieu» et la part était mise de côté pour être donnée au premier pauvre venant la demander.

Ailleurs en Europe, les traditions et coutumes liées à l’Épiphanie sont très différentes. Tour d’horizon.

En Italie, sorcière «Befana», friandises et charbon

En Italie, point de galette des rois. Place à la «Befana», déformation sémantique du mot «Épiphanie» en italien (Epifania). La légende, issue de coutumes folkloriques préchrétiennes, raconte que cette sorcière visite chaque maison où vivent des enfants la nuit précédant l’Épiphanie (le 6 janvier, donc). Ces derniers accrochent alors une chaussette près de la cheminée ou de la fenêtre. La Befana offre à ceux qui ont été sages tout au long de l’année des cadeaux, chocolats et bonbons, et... du charbon à ceux qui n’ont pas été gentils. Aujourd’hui, le charbon est remplacé par du sucre noir comestible ou par de la réglisse.

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Souvent, les enfants peuvent préparer pour cette gentille sorcière, la veille de l’Épiphanie, dans une assiette, une mandarine ou une orange ainsi qu’un verre de vin... qui ont évidemment disparu le lendemain matin.

Lors de l’Épiphanie, par ailleurs jour férié en Italie, vitrines et maisons sont souvent décorées de ces intrigantes sorcières prenant la forme d’une vieille femme au nez long et au menton pointu, voyageant sur son balai et transportant un sac rempli de friandises.

En Espagne, défilé des rois et couronne briochée

En Espagne, l’Épiphanie est particulièrement fêtée et le 6 janvier est également décrété jour férié. Elle commence dès la veille, le 5 janvier, avec des défilés de carrosses dans les rues, appelés les cabalgatas (chevauchées). Véritable spectacle pour enfants, cette parade représente le chemin parcouru par les Rois mages venus d’Orient en chameau, suivant l’étoile jusqu’à la crèche où est né l’enfant Jésus.

Sur ces chars colorés, les rois mages Gaspard, Melchior et Balthazar, suivis de cavaliers et de personnages fantastiques, lancent bonbons et friandises aux enfants. Le 6 janvier, les Rois mages se substituent au Père Noël pour distribuer les cadeaux. En effet, en Espagne, c’est l’aspect religieux qui prévaut au moment de Noël et peu de cadeaux sont distribués.

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Point de galette, mais une couronne briochée, à l’image de ce qui se déguste dans le sud de la France, appelée «Roscón de Reyes». Elle est garnie de fruits confits et d’amandes effilées et possède aussi une fève: soit une figurine de porcelaine, soit un haricot sec! La tradition veut que celui qui la trouve aura de la chance pour l’année à venir. Parfois, ce dernier reçoit aussi une couronne.

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En Allemagne, «chanteurs à l’étoile», bénédiction des maisons et gâteau des rois

En Allemagne, ce sont les enfants qui se déguisent en rois mages. Ils parcourent alors villes et villages pour faire du porte à porte, non pas pour réclamer des bonbons mais pour... bénir les maisons! L’Épiphanie est un jour férié en Bavière, en Bade-Wurtemberg et en Saxe-Anhalt, des régions à majorité catholique.

Accompagnés par trois garçons portant l’étoile de Bethléem, les rois mages chantent d’abord des cantiques puis collectent des dons pour les pays pauvres ou des associations caritatives en lien avec l’enfance. On les appelle les «Sternsinger»: les chanteurs à l’étoile. Pour remercier des dons, les petits mages bénissent les maisons en inscrivant, à la craie, une série de chiffres, de croix, d’astérisques et de lettres. Il s’agit des lettres C, M et B, signifiant à la fois «Christus Mansionem Benedictat» («Christ bénit cette maison») mais aussi les initiales de Caspar (Gaspard en allemand), Melchior et Balthazar. Le signe «+» représente la croix du Christ, les chiffres désignent l’année, et l’astérisque, l’étoile de Bethléem.

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Dans certaines familles allemandes, on déguste un Dreikönigskuchen, gâteau des Rois sans frangipane et proche de la brioche. Souvent, il est fourré d’orange et d’épices, symbolisant les présents des mages: l’or, l’encens et la myrrhe.

En Europe de l’Est, baptême du Christ, chevaliers et eau bénite

En Europe de l’Est, l’Épiphanie a une signification différente pour les orthodoxes. La fête, nommée Théophanie, commémore non pas la venue des mages, mais le baptême du Christ dans le Jourdain. La veille de l’Épiphanie, après la liturgie, le prêtre bénit l’eau baptismale et asperge d’eau bénite l’assemblée. Le jour de l’Épiphanie, après une procession, le prêtre bénit l’eau des fontaines, des fleuves et même de la mer.

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D’un pays d’Europe de l’Est à l’autre, les coutumes autour de la bénédiction des eaux varient. En Roumanie, pour l’Épiphanie ou «Boboteaza» dans la langue locale, au terme d’offices religieux, les Roumains participent à d’impressionnantes courses de chevaux. Avant la course, un prêtre asperge les cavaliers d’eau bénite. La tradition populaire dit que, le 6 janvier, si une femme glisse sur la glace ou tombe dans l’eau, elle se mariera dans l’année.

En Bulgarie, appelé Yordanovden, la coutume veut que l’on jette une croix en métal dans l’eau gelée des lacs et rivières. Les jeunes plongent alors dans l’eau pour la récupérer, et il est dit que le vainqueur aura chance et bonne santé durant l’année. Parfois, les hommes exécutent le horo, une danse traditionnelle bulgare... toujours dans l’eau glacée!