Un modeste joaillier devenu bijoutier de l’année Le Canada Français

Un modeste joaillier devenu bijoutier de l’année Le Canada Français

Il a commencé à réparer des montres et des bijoux dans le sous-sol de la maison de ses parents. Quarante ans plus tard, Jean Langevin est propriétaire de trois bijouteries et d’une manufacture en plus d’avoir été élu Bijoutier de l’année deux fois plutôt qu’une.

Né à Henryville et fils de cultivateur, Jean Langevin est déménagé à Iberville à l’âge de 10 ans. Et rien ne le prédestinait à devenir bijoutier. «J’étais un gars de chasse, de pêche et de ferme», raconte-t-il.

Mais le père de sa copine de l’époque avait pour ami un bijoutier, si bien que Jean Langevin entendait souvent parler de bijoux. À la fin de ses études secondaires, il a rencontré un orienteur à la polyvalente Marcel-Landry et a été intrigué d’apprendre qu’il y avait une école de bijouterie à Montréal.

«Je croyais que ça s’apprenait de père en fils. L’orienteur m’a dit de me trouver quatre ou cinq amis pour aller visiter l’école un vendredi après-midi. Quand je suis revenu de là, j’ai dit à ma mère et à mon père que je voulais suivre un cours en horlogerie-bijouterie», se souvient Jean Langevin.

Études

Il a alors débuté ses études à l’Institut de l’horlogerie-bijouterie de Montréal en 1977. Pendant deux ans, il a fait le trajet Saint-Jean-Montréal en autobus. En 1979, il a obtenu son diplôme et s’est installé dans le sous-sol de ses parents pour y réparer des montres et des bijoux.

«Je pouvais faire des réparations, mais je n’avais pas une cenne pour acheter des bijoux. J’ai fait des comptoirs à la main avec du tapis shag et j’ai ouvert là avec un peu de stock . Ma grand-mère m’a aidé à acheter mes équipements et un peu de bijoux. J’en avais 35. J’ai commencé ça tranquillement et aujourd’hui, je suis encore là», lance Jean Langevin.

Par la suite, il a suivi des cours à l’école de joaillerie de Montréal, située sur la rue Bleury. Puis, il a fait une pause de six mois en 1984, le temps d’aller à Los Angeles pour vivre diverses expériences tout en travaillant dans une bijouterie.

À son retour des États-Unis, il a ouvert sa première succursale sur le boulevard d’Iberville, à l’angle de la rue Héroux. En 1989, il a acheté la bijouterie Selinor, ce qui lui a permis de s’installer au Carrefour Laplante. Il y restera jusqu’en 2011, moment où il choisit de déménager son commerce sur le boulevard Saint-Luc afin de profiter du développement de ce secteur.

Expansion

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En 1996, le bijoutier Serge Lebeau, qui avait une boutique aux Halles Saint-Jean, a pris sa retraite. Le rachat du fonds de commerce a permis à Jean Langevin d’ouvrir une deuxième succursale. En 2000, il a procédé à l’agrandissement de ce local.

«J’ai utilisé les comptoirs pour ouvrir un magasin à Saint-Constant et prendre de l’expansion. Je savais qu’il n’y avait pas beaucoup de bijouterie dans ce secteur», se rappelle M. Langevin. En 2012, cette bijouterie est déménagée sur la route 132 à Delson. Le propriétaire en a profité pour harmoniser le décor à celui de ses deux succursales de Saint-Jean-sur-Richelieu.

En 2006, Jean Langevin a eu une nouvelle opportunité, celle d’acheter la manufacture Émotion, située sur la rue Chabanel à Montréal, qu’il renomme Tech-Émotions. Une partie de la création de Joaillerie Langevin y est faite ainsi que celle destinée aux autres bijouteries.

Création

«On y fait de la réparation, de la création et des bijoux sur mesure. Quand on ne fait pas les réparations à l’interne, on les envoie là. Et on a acheté une clientèle de bijoutiers qui font affaire avec nous comme grossiste. On est un manufacturier-créateur», explique le père de Lydie et de Jade, âgées respectivement de 23 ans et 28 ans.

Jean Langevin a aussi acquis, puis fermé divers commerces, dont un magasin à Québec. «On avait acheté des kiosques dans différents centres d’achats, comme aux Promenades Saint-Bruno, qu’on a fermés il y a environ trois ans. On a gardé les bijouteries les plus matures et la manufacture», souligne ce fan inconditionnel des Canadiens de Montréal. Son bureau est d’ailleurs tapissé de cadres autographiés de plusieurs anciens joueurs du CH, dont Patrick Roy, José Théodore et Jean Béliveau.

Gemmologie

En 1996, Jean Langevin a obtenu sa certification de gemmologue. «La gemmologie est la science qui étudie les pierres précieuses de qualité gemme», précise-t-il. Ainsi, cette formation lui a permis d’acquérir des connaissances liées aux pierres de couleur, aux diamants, à la cristallisation, à l’origine des pierres, leur chimie, leur qualité, leur taille et leur couleur.

«J’avais un attrait pour ça. Les diamants sont tous pareils, mais les pierres de couleur ont une très large variété et ça m’intriguait», raconte-t-il. En 1998, l’entreprise s’est lancée dans la création de bijoux. M. Langevin a ensuite l’opportunité de se rendre en Polynésie française en compagnie de quelques gemmologues.

«L’École de gemmologie de Montréal avait été sollicitée pour faire la promotion de la perle de Tahiti à Tahiti», relate celui qui réside sur l’île Sainte-Thérèse depuis 32 ans. Son rôle consistait à évaluer et classer les perles. Il a aussi participé à des ventes aux enchères où le groupe de gemmologues a pu acquérir des perles.

«Au retour, on a fait le partage des perles et c’est là que j’ai commencé à faire la création de bijoux ornés de perles de Tahiti», se souvient Jean Langevin.

Long chemin

Ses réalisations ont notamment été vendues aux Salons des métiers d’art de Montréal et de Québec. Le joaillier est retourné à Tahiti en 2002 avec son épouse, Sylvie Boulanger, pour acheter d’autres lots de perles afin de faire de nouvelles créations.

«J’ai fait un long chemin dans la perle et j’ai tripé », confie le créateur johannais. Lorsque la demande pour la perle de Tahiti a diminué, Jean Langevin s’est tourné vers le diamant canadien et le diamant québécois.

Le joaillier revient d’ailleurs fraîchement de l’Arizona où il a assisté à l’American Gem Trade Association GemFair Tucson. Il en a profité pour revenir avec un lot de pierres corail, la couleur Pantone 2019. Ces pierres entreront dans la création de ses nouveaux bijoux.

Relève?

Jean Langevin n’a pas de projet d’expansion, mais il reste à l’affût des offres. «Je regarde les opportunités. Si j’ai de l’expansion à prendre, ça ne sera pas de m’en aller dans une autre ville et d’ouvrir une nouvelle boutique. Ça va être probablement de faire l’acquisition d’une entreprise qui est déjà reconnue, qui a une bonne réputation et un bon chiffre d’affaires.»

Même s’il n’a que 58 ans, Jean Langevin commence déjà à penser à préparer la relève de son entreprise. «La retraite n’est pas fixée, loin de là», précise celui qui a joué au hockey jusqu’à l’âge de 46 ans. Mais il souhaite entamer ce long cheminement afin d’être bien préparé.

Depuis l’an passé, un consultant a été embauché pour identifier les personnes potentielles à la relève au sein de l’entreprise et dans l’entourage. «C’est pour assurer la pérennité», dit-il. Vingt personnes travaillent dans les trois bijouteries et 32 œuvrent chez Tech-Émotions.

Même s’il indique que le domaine de la joaillerie n’est pas en pleine expansion, Jean Langevin mentionne que son entreprise réussit à faire de bonnes années.

«Ce qui nous aide beaucoup, c’est d’avoir tous les chapeaux. C’est d’être capable de créer, de réparer et de remodeler. Celui qui achète et qui vend est en voie d’extinction», croit Jean Langevin.

En 2004 et en 2018, il a d’ailleurs été nommé «Bijoutier de l’année» par l’Association canadienne des représentants en bijouterie. «C’est une reconnaissance. C’est le fun d’être reconnu par ceux qui sont dans l’industrie», réagit le principal intéressé.