Le styliste bastiais Ludovic Valery bouscule les codes de la streetwear | Corse Matin

Le styliste bastiais Ludovic Valery bouscule les codes de la streetwear | Corse Matin

Le styliste bastiais a fait un retour en Corse pour présenter sa nouvelle collection en juin dernier. Des vêtements aux accents britanniques qui mélangent streetwear et classic fit, et par lesquels il s'émancipe des codes habituels de la mode

Parfois, la passion ne se fait pas attendre. À seulement 21 ans, après des mois passés à croquer, patronner et réaliser ses pièces, Ludovic Valery a présenté sa deuxième collection de vêtements chez lui à Bastia. « C'est une nouvelle collection que j'ai présentée un an après la première, se souvient le jeune créateur. Cette fois-ci, elle était centrée sur le noir et blanc que j'aimais beaucoup en photographie et que j'ai voulu transcrire sur vêtements. C'est pour ça que les pièces sont soit très claires, soit très sombres. » Une gamme homme, automne-hiver, qu'il a été possible de découvrir en avant-première chez Paparazzi, rue Campinchi.Le styliste bastiais Ludovic Valery bouscule les codes de la streetwear | Corse Matin Le styliste bastiais Ludovic Valery bouscule les codes de la streetwear | Corse Matin

Costumes, t-shirts, doudounes, jeans, ceintures, sac... Le créateur a exposé une vingtaine d'articles en juin. « C'était à la fois une présentation, un showroom et une boutique : les pièces étaient disponibles à la vente. Avec le pop-up en magasins, je voulais ramener le plus de monde possible pour créer, si possible, un certain engouement », déclare-t-il en un sourire timide.

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S'il a profité de l'occasion pour faire découvrir son savoir-faire, il aimait aussi l'idée d'inspirer de jeunes Bastiais dans leurs projets futurs. « Je voulais qu'il en ressorte un moment de partage entre artistes. Le but, c'était de pouvoir échanger dans la bonne humeur. Je voulais montrer que ce n'est pas parce qu'on est sur une île un peu isolée qu'on ne peut pas créer quelque chose d'artistique. »

Sa nouvelle collection, il l'a appelée « Absurd » et quelque part, c'est son univers qu'il définit à travers ce nom. « Il était difficile de donner un sens à ce mot. Cela m'a marqué. En fait, ce qui est absurde n'a rien de rationnel. Et justement, j'ai eu envie de garder ce nom et d'en faire quelque chose qui a du sens, quelque chose avec de la continuité », développe le styliste.

Ludovic Valery s'amuse à détourner le mot pour en faire quelque chose de nouveau, comme il le fait au jour le jour avec ses vêtements. Jouer avec les styles, les matières, les imprimés noirs et blancs... Le jeune homme ne manque pas d'imagination et s'émancipe des codes de la mode pour créer des pièces à l'image de son art et de ses valeurs.

Une collection faite main

Le styliste bastiais Ludovic Valery bouscule les codes de la streetwear | Corse Matin

« Je ne fais que du sur-mesure. J'ai un shop en ligne, les clients m'envoient leurs mensurations via Instagram, ou passent à l'atelier, et je crée le vêtement ensuite. Tout est fait main », insiste-t-il.

Une fois la commande passée, il faut attendre un délai de quelques semaines pour recevoir ses articles, en fonction des pièces souhaitées. Et s'il ne pratique que le sur-mesure, c'est aussi parce qu'il met un point d'honneur à réaliser des créations de manière locale et durable. « J'essaie de ne pas produire de stock, pour ne pas avoir à jeter. L'idée, c'est vraiment d'être écoresponsable. J'essaye, même dans le choix de mes tissus, d'être au plus dans le 100 % recyclé. »

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Il élabore ses créations dans un atelier à Londres où il collabore directement avec des professionnels diversifiés, c'est ce qui, pour lui, fait la différence. « C'est parce que je travaille avec des personnes qui ont de l'expérience dans leur domaine qu'elles m'apportent beaucoup. À Londres, je collabore avec un atelier qui a une vision particulière puisqu'il fait du tayloring, du costume », souligne le styliste. En parallèle, il conserve un atelier à Bastia, comme pour ne pas oublier ses racines, et travaille avec Jocelyne Agostini, une couturière installée à Lucciana, qui l'aide pour certaines pièces.

« Pour ma collection, je me suis beaucoup inspiré des années 80 et de la streetwear mais je l'adapte à mon style. Je détourne les matières et les tissus pour en changer la nature. J'ai mis par exemple de la dentelle sur une chemise, ce qui ne se fait pas habituellement. » Le Bastiais veut proposer quelque chose de différent, casser les codes.

Il mélange le streetwear au classic fit pour proposer des pièces aussi belles que fonctionnelles. Si le style (son apogée dans les années 90) revient à la mode depuis quelques années, il veut y ajouter un « je-ne-sais-quoi » en utilisant des matériaux haut de gamme. « J'utilise des tissus de haute couture, je sais que les grandes maisons se fournissent au même endroit que moi. Je choisis tout avec minutie pour qu'il en ressorte vraiment un produit fini qualitatif. »

Une vision particulière

Un style qu'il a su perfectionner ces dernières années. Né et élevé à Bastia, il y obtient son bac au lycée du Fango et déménage à Londres pour se concentrer sur son art. Il étudie l'anglais, suit la mode de près et fait des rencontres qui l'aide à développer son business jusqu'à créer sa marque en octobre 2019, L8 Studio. « Partir à Londres, ça a vraiment changé beaucoup de choses pour moi. Ça m'a ouvert à plein de possibilités, plein de projets. Je suis allé là-bas à l'âge de 18 ans alors que je ne savais pas trop quoi faire de ma vie. J'avais décidé d'étudier le business et l'anglais sans trop savoir où ça me mènerait. Finalement, ça m'a poussé à créer ma marque. » Encore aujourd'hui, être dans la capitale anglaise lui apporte beaucoup. Le monde de la mode y est très présent et il évolue avec des artistes, comme Zakarya Aarif (personnalité influente de la mode britannique), qui lui apportent soutien et entraide.

Si Ludovic Valery est passionné par la mode et les arts depuis toujours, l'ancien joueur de guitare et de violoncelle fait en sorte d'innover. « Je cherche à me démarquer, ce qui n'était pas forcément toujours le cas quand j'étais plus jeune. Avec ma marque, je ne veux pas faire comme tout le monde. J'ai vraiment ma propre vision des choses et la nouveauté est très importante. Même si un créateur s'inspire toujours de ce qui l'entoure, il fait en sorte d'en faire une pièce différente. C'est ce que j'ai fait avec un de mes costumes. Au lieu de rester classique, j'ai mis le système de fermeture sur les côtés, avec une fermeture éclair plutôt que les boutons habituels », avance-t-il.

Et le styliste corse ne se repose pas sur ses acquis. Pendant encore trois ans, il étudiera la mode, le design et les textiles à l'université de West London, près de la Tamise. « J'étudie la couture et le patronage à la fac. Même si j'ai déjà ma marque et qu'avec elle j'ai appris beaucoup, il y a des choses que je ne sais pas. Je suis très ouvert d'esprit et je me dis que c'est toujours important de chercher à en savoir plus. J'ai vraiment cette envie de me perfectionner », affirme-t-il en un hochement de tête convaincu.

Même s'il reste un artiste avant tout, il ne néglige pas pour autant l'aspect commercial de sa marque qu'il gère seul. L8 Studio est une microentreprise qu'il compte bien développer. « C'est le projet d'une vie. Quelque chose sur lequel je sais que je veux bosser toute ma carrière, je veux l'amener le plus loin possible. »

Le début d'une grande aventure pour le jeune homme à la motivation sans faille.