Faire ou acheter son pain : comment choisir le plus digeste ?

Faire ou acheter son pain : comment choisir le plus digeste ?

À moins d’avoir passé quatre mois dans une grotte, il est quasi impossible d’être passé à côté de l’activité culinaire phare du confinement : la fabrication maison du pain. Baguette, miche de campagne, complète ou aux céréales… Si les Français en consomment du petit déjeuner au dîner, c’est d'abord pour le plaisir qu’il procure (pour 92% d’entre eux), et moins pour les qualités nutritionnelles qu’ils lui attribuent, selon une étude de l’Observatoire du pain et de l’institut CSA publiée en 2018.

Certains pensent qu’il ferait grossir, voire gonfler le ventre, d’autres témoignent de problèmes de digestion jusqu’à contracter une intolérance au gluten. Trois spécialistes en nutrition nous orientent pour choisir le pain le plus compatible avec notre appareil digestif.

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Opter pour une farine riche en micro-nutriments

Cette poudre douce et fine se trouve être l’ingrédient principal et crucial du pain. Sur le marché, il en existe différents types, classés par des numéros et généralement indiqués sur l’étiquette de la baguette vendue en commerce. T65, T80, T110… Cette valeur indique les qualités nutritives de la farine. Plus ce chiffre est élevé, plus la farine contient des vitamines, minéraux et des fibres, si essentielles à la régulation du transit. C’est pourquoi Christian Rémésy, nutritionniste et ancien directeur de recherche à l’Inrae (1) déconseille la consommation d’un pain issu d’une farine en dessous du type 65, dite «blanche», car elle a été raffinée au préalable pour enlever le germe et l’enveloppe de la céréale.

Le bon compromis serait d’opter pour une farine semi-complète T80, aussi appelée «farine bise». «C’est une farine généralement utilisée dans les boulangeries bio car les grains n’ont pas été traités au préalable et ne contiennent pas à l’arrivée de résidus de pesticides ni d’additifs», explique le nutritionniste Christian Rémésy. «Certaines farines non biologiques contiennent des molécules pouvant stresser le système immunitaire et dégrader la perméabilité intestinale», complète le Pr Joël Doré, directeur de recherche à l’Inrae et directeur scientifique de MetaGenoPolis. On peut également opter pour des farines T110, T130 (complète) et T150, mais leur goût prononcé ne convient pas à tous.

Quant à la sélection des céréales, Angélique Houlbert, diététicienne nutritionniste (2), recommande de les diversifier. «Les farines de blé ou d’épeautre ne contiennent quasiment que des fibres insolubles, connues pour être irritantes pour l’intestin, détaille-t-elle. Il vaut mieux les mélanger avec des farines issues de céréales contenant des fibres solubles, comme l’orge, l’avoine ou le seigle, très douces et rassasiantes.»

Faire ou acheter son pain : comment choisir le plus digeste ?

Pour améliorer le travail digestif, le Pr Joël Doré a poussé cette réflexion plus loin et a conçu une baguette de pain de blé baptisée l’Amibiote (1,30 €, disponible chez Monoprix ou Système U) associant 7 fibres végétales (1g pour 100g de pain), issues de céréales, plantes, fruits et légumes, jouant le rôle de prébiotique pour faciliter l’assimilation des nutriments.

En vidéo, comment choisir les bons ingrédients pour réussir son pain ?

Se méfier des pains sans gluten

«La farine de blé blanche contient davantage de protéines de gluten, indique Angélique Houlbert. Ces dernières se digèrent mal car elles ne sont pas dégradées par l'acide chlorhydrique sécrétée par l'estomac et les autres enzymes du tube digestif.» En fonction de sa sensibilité au gluten, cela peut occasionner des maux digestifs, des remontées acides et des douleurs abdominales de type constipation ou diarrhée.

Toutefois, si on ne souffre pas de maladie cœliaque, la consommation de pains sans gluten ne s’avère pas être la meilleure alternative. «Les procédés de fabrication restent encore pour la majorité très artificiels, avec des ingrédients ultratransformés, constate Angélique Houlbert. Sans compter que certaines farines telles que le riz ou le maïs se digèrent vite mais possèdent un indice glycémique élevé, ce qui ne rassasie pas et entraîne du grignotage.»

Oui au levain, non à la levure

Étape-clé dans le processus de panification, la fermentation permet de faire lever le pain. Plus cette dernière est longue, plus les composants nutritifs du pain seront assimilés. Pour y parvenir, les boulangers ont le choix de recourir à la levure de boulanger ou au levain. «La levure de boulanger, issue de la bière industrielle, dégage beaucoup de CO2 et fait lever la pâte trop vite alors que le levain contient des bactéries lactiques qui vont acidifier la pâte et activer des enzymes», précise le nutritionniste Christian Rémésy.

«Cette diversité de micro-organismes va servir d’une part à prédigérer les composants complexes, comme le gluten, et à enrichir les bactéries de notre microbiote intestinal, ajoute le Pr Joël Doré, d'Inrae. Ainsi stimulées, certaines bactéries permettraient notamment de renforcer la paroi intestinale.

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Des graines humidifiées et fermentées

Source de fibres alimentaires, de vitamines et de sels minéraux… Les graines de chia, de lin ou encore de sésame ont presque autant de variétés que de vertus. Ce qui nous pousse à privilégier les pains «aux céréales» en boulangerie. Seulement leur apport réel en nutriments ne se développe pas à l’état brut. «Ces graines possèdent une cuticule qui résiste aux attaques enzymatiques et donc restent intactes jusqu’au bout de l’appareil digestif», note le Pr Joël Doré.

Pour y remédier et bénéficier de leurs bienfaits, le nutritionniste et ancien directeur de recherche à l’Inrae Christian Rémésy insiste sur la nécessité de les écraser et de les humidifier avant de les ajouter à la pâte. Il a d’ailleurs développer sa propre recette, nommée le «Granipain» à partir d’une vingtaine de graines céréalières, légumineuses ou encore oléagineuses. «Une telle biodiversité assure une digestion parfaite», atteste le nutritionniste. Si ce produit n’a gagné pour le moment qu'une seule boulangerie dans le Tarn-et-Garonne, Christian Rémésy plébiscite en attendant les pains aux graines fermentées dont le processus de fabrication s’approche du «Granipain», mais sans l’égaler encore.

(1) Christian Rémésy est l’auteur de La Nutriécologie, publié aux éditions Thierry Souccar, 320 pages, 19,90 €.(2) Angélique Houlbert est l’auteure de La meilleure façon de manger, publié aux éditions Thierry Souccar, 336 pages, 19,90 €.

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