Aveyron : pourquoi Renault lâche la fonderie SAM et ses 340 salariés ?

Aveyron : pourquoi Renault lâche la fonderie SAM et ses 340 salariés ?

Prévue pour durer, la manifestation des salariés de Sam Technologies commencée ce mardi en matinée devant la préfecture de l'Aveyron à Rodez, s'est finalement achevée vers 17 heures. Une assemblée générale du personnel se tiendra ce mercredi à 11 heures, à la fonderie de Viviez.

À l'appel du syndicat CGT, quelque 150 salariés de la fonderie Sam de Viviez avaient posé tentes et panneaux pour s'installer devant la préfecture à Rodez. Une petite assemblée générale en a décidé autrement en fin de journée, pour fixer une assemblée générale du personnel ce mercredi, à 11h dans leur usine. Ce mercredi coïncide avec l'ultimatum d'un accord préalable de Renault demandé par le tribunal de commerce pour statuer ce vendredi.

Pour rappel, les 340 salariés de la fonderie espèrent que la proposition de l'unique repreneur, Patrick Bellity, soutenu par l'Etat et la Région, sera retenue par le tribunal de commerce qui demande un accord préalable de Renault, client de la Sam Technologies.

Mais deux heures à peine après le départ des "campeurs" de la SAM pour retourner à Viviez, le Groupe Renault se fendait d'un communiqué annonçant qu'il ne soutiendrait pas le projet porté par Patrick Bellity et soutenu par l'Etat et la Région. Intitulé "Renault Groupe : deux réponses aux tribunaux concernant des fournisseurs", le voici dans son intégralité :

Oui à la société Alvance Aluminium Wheels, non à Alty-Sifa

"Renault Group peut soutenir le projet de reprise de la société Alvance Aluminium Wheels envisagé par le groupe Saint-Jean Industries. Renault Group ne s’engage pas sur le projet de reprise de Jinjiang SAM par Alty-Sifa, celui-ci ne pouvant proposer un projet industriel solide et pérenne. Renault Group est pleinement engagé dans le soutien de la filière automobile en France, la réindustrialisation et le développement des activités stratégiques d’avenir sur le territoire. En pleine transformation et confronté aux défis de la révolution de la mobilité, le Groupe a fait de la France le cœur de sa stratégie industrielle et technologique. Néanmoins sa responsabilité industrielle et sociale dans un contexte de fortes incertitudes du marché automobile ne lui permet pas d’apporter un soutien inconditionnel à ses fournisseurs en difficulté. Pour s’engager, le Groupe a besoin de solides éléments sur les pérennités des projets de reprise, seules à même de garantir des perspectives réalistes aux salariés de ces entreprises."

"Ainsi, Renault Group apporte son soutien au projet de reprise de la société Alvance Aluminium Wheels, dans l’Indre, par le Groupe Saint-Jean Industries. Cet accompagnement se traduira par l’intégration de la nouvelle société dans son panel fournisseurs de roues aluminium destinées aux usines d’assemblage européennes de Renault Group. Le Groupe s’engage à consulter la nouvelle société pour le développement et la production de roues aluminium relevant de son savoir-faire technique, lui permettant ainsi d’accéder à un volume de production pouvant atteindre 500 000 roues annuelles au bénéfice de Renault, sous réserve des conditions usuelles de fourniture automobile."

Aveyron : pourquoi Renault lâche la fonderie SAM et ses 340 salariés ?

"Renault Group considère qu’Alvance Wheels dispose d’atouts essentiels tels que son savoir-faire et un marché à même de rencontrer des débouchés pour atteindre ses objectifs de redressement. L’un des enjeux déterminants pour la réussite de son plan de redressement, consistera en la transformation du bureau d’études pour mener à bien le développement et le lancement de plusieurs projets de façon simultanée et réaliser ainsi les industrialisations confiées par ses clients, dont Renault. Renault Group a conscience que ce projet de reprise est, certainement, la dernière chance de redressement de la société après les échecs rencontrés dans les années passées. Renault Group est confiant dans la capacité de SaintJean Industries à rendre pérenne Alvance Wheels et à consolider l’emploi sur le site..."

"... Concernant la société Jinjiang SAM dans l’Aveyron, Renault Group ne peut s’engager sur le projet de reprise d’Alty-Sifa. Une analyse approfondie du dossier ne confirme pas les hypothèses de chiffre d’affaires présentées dans cette offre. Une nouvelle fois, comme cela avait été constaté en juillet 2021, cette offre ne présente pas les conditions de pérennité et de sécurité nécessaires pour l’entreprise et ses salariés. Il existe de forts doutes sur la 2 solidité financière, malgré les supports financiers externes envisagés, et les réelles capacités d’investissement et de redressement de Jinjiang SAM par Alty-Sifa. Renault constate en outre que les difficultés de gestion rencontrées dans le passé ont déjà conduit au redressement judiciaire de Sam Technologies et de la totalité des filiales du groupe Arche en 2015-2016. Client historique de SAM, Renault Group rappelle qu’il est le dernier client après le départ de tous les autres constructeurs et équipementiers et le seul acteur industriel à apporter depuis de nombreuses années un soutien financier direct important à l’entreprise avec 42 millions d’euros investis en 5 ans uniquement à destination de Jinjiang SAM et ce pour pallier une situation rendue difficile par l’absence structurelle de compétitivité. Comme il s’y était également engagé, Renault Group a assuré dès 2016 une participation active dans la recherche d’un repreneur en mesure de pérenniser les activités et de maintenir le niveau d’emploi sur le bassin de Decazeville. Renault Group a mené des négociations avec la totalité des groupes présents en France dans le métier de la fonderie, des métiers complémentaires dans la transformation du métal ainsi qu’avec l’ensemble de ses fournisseurs d’aluminium à travers le monde. Tous ont décliné et n’ont pas souhaité présenter d’offre de reprise. Toujours dans cette perspective, Renault Group avait soutenu à deux reprises en 2021 les projets de reprise solides présentés par le groupe espagnol CIE ; projets qui ont été écartés par les salariés et différentes parties prenantes. Renault Group regrette cette situation, mesure les conséquences de sa décision et poursuivra le dialogue avec les salariés de SAM afin de leur proposer des solutions alternatives d’emploi au sein du Renault Group."

Patrick Bellity "écoeuré"

Il travaillait sur le dossier depuis maintenant bientôt un an. Dernier candidat à la reprise, Patrick Bellity ne cachait pas sa colère mardi soir. « Je suis écœuré, expliquait-il à chaud. Cela fait 40 ans que je me bats pour conserver l’industrie en France et on me dit que mon projet n’est pas assez pérenne. Quelle meilleure garantie pouvais-je avoir que l’État et la Région ? Toutes les conditions étaient réunies pour faire vivre cette entreprise qui fut l’une des plus belles fonderies d’Europe. Aujourd’hui, on la tue et ça me fend le cœur, surtout pour tous les salariés après leur longue lutte. Ce soir, je ne crois plus en rien. L’État a offert des milliards à Renault avec nos impôts, il en est actionnaire et il n’a pas été capable de lui imposer des commandes pour une fonderie française ? Tout cela va partir en Espagne ou en Roumanie. »

"La réponse apportée par Renault est irresponsable "

Suite à l'annonce par la direction du groupe Renault de ne pas soutenir le projet de reprise de la SAM porté par Patrick Bellity, la présidente de la Région Occitanie Carole Delga réagit :

« Nous nous sommes tous impliqués, salariés, élus locaux, Région, Etat, pour sauver la fonderie et ses emplois. La réponse apportée par Renault est irresponsable et destructrice : elle condamne l'usine et ses activités.

Syndicats, élus locaux, acteurs économiques, nous redoutions ce scénario, malgré un engagement financier exceptionnel de la Région et de l'Etat pour permettre le maintien de l'usine et des emplois.

Je partage le choc et l'indignation des salariés, et au-delà, de toute la population. Mon engagement auprès d'eux est sans faille. C'est pour cela que dès lundi prochain, je me rendrai sur le site de la SAM pour rencontrer les représentants syndicaux, les salariés et leurs familles ainsi que les élus locaux. La Région répondra présente et mobilisera l'ensemble de ses dispositifs sur le volet formation pour accompagner les salariés. Nous poursuivrons le travail mené pour que des projets industriels d'avenir voient le jour sur le territoire. La Région ne vous laissera pas tomber ! »