Le diamant de synthèse est-il vraiment écoresponsable ?

Le diamant de synthèse est-il vraiment écoresponsable ?

Le monde de la joaillerie en a fait son nouveau terrain de jeu. Mais est-il vraiment plus écologique qu’un diamant naturel ? Éléments de réponse.

Par
Capucine Tissot

En mai dernier, la griffe danoise Pandora annonçait son intention de renoncer aux diamants naturels au profit des diamants de synthèse. La raison ? L’envie de se tourner vers une fabrication plus éthique et responsable. La marque, qui annonçait l’année dernière son objectif de n’utiliser que de l’or et de l’argent recyclés d’ici 2025, a ainsi présenté sa première collection produite avec des diamants de laboratoire. Si celle-ci est pour le moment destinée au Royaume-Uni, elle devrait être disponible à l’international dès 2022. Pour une marque d’entrée de gamme comme Pandora, cette initiative ne concerne qu’une petite partie des ventes, mais pour d’autres, elle fait partie de leur ADN. C’est le cas du célèbre joaillier Courbet, mais aussi de nouveaux noms du secteur, comme Mysteryjoy ou DFLY, qui se lancent en prenant le parti de faire appel exclusivement au diamant artificiel.

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Une gemme identique au diamant naturel

Né dans les années 50, le processus n’a rien de nouveau. Pourtant, le diamant de synthèse est récemment revenu sur le devant de la scène chez les joailliers. « À l’époque, il était réservé à l’industrie. Il n’a acquis les qualités de gemme que très récemment grâce aux dernières innovations », nous explique Christelle Michel, gemmologue et cofondatrice de DFLY Paris. Experte en bijou ancien qui a notamment travaillé pour la Cour d’appel de Versailles , sa carrière bascule le jour où elle expertise deux diamants, sans se rendre compte qu’il s’agit de pierres artificielles. « Je faisais ce métier depuis 18 ans, j’étais habituée à voir de belles pierres, et je n’y ai vu que du feu. Je ne comprenais pas comment je pouvais retrouver toutes ces inclusions naturelles à l’intérieur, les nuances de couleurs, défauts et qualités qui caractérisent le diamant géologique. J’ai dû revoir ma copie et mener mes propres investigations. Ça a été une révélation. »

Comme le montre l’expérience de Christelle Michel, il est difficile, voire impossible, de différencier les deux types de diamants. Dans les deux cas, on parle de carbone cristallisé. « La seule chose qui pourra prouver l’authenticité d’un diamant naturel est le certificat scientifique de gemmologie, indique la spécialiste. C’est vraiment quelque chose d’extraordinaire car ce sont deux pierres identiques, simplement, l’une a été fabriquée sous l’impulsion de l’homme. On est capable de recréer des diamants de type 2A, qui représentent à peine 2 % des diamants extraits sous terre. Ce sont les plus rares, ceux que l’on utilise pour de la très haute joaillerie. »

Un diamant éthique mais gourmand en énergie

Le diamant de synthèse est-il vraiment écoresponsable ?

À l’ère de la prise de conscience environnementale, le diamant de synthèse apparaît d’abord comme la preuve de la possibilité d’une joaillerie véritablement responsable. Car qui dit pierre créée en laboratoire, dit fin des mines à ciel ouvert qui demandent beaucoup d’espace, d’eau et d’énergie. Autre point qui plaît à la clientèle : la question de l’origine, qui écarte les possibilités d’acheter des diamants provenant de régions touchées par les conflits ou à des sociétés employant des enfants pour les extraire dans des mines en Afrique. Et puis il y a la question, non négligeable, du prix. Issus d’un circuit court, ces diamants ont des prix sur le marché bien plus maîtrisés pour une facture un peu moins élevée. En 2018, face à ces constats positifs, Pauline Laigneau, fondatrice de la marque de joaillerie Gemmyo, décide de s’intéresser au sujet dans l’objectif de lancer une ligne de bijoux en diamants de synthèses. « Je trouvais ça génial de ne pas être obligés d’épuiser les ressources de la terre pour faire un beau bijou, explique-t-elle. Mais en me renseignant sur la question, j’ai compris que ce n’était pas aussi simple que ça. Si sur la question éthique, le diamant de synthèse est bon élève, au niveau écologique, c’est à nuancer. »

Car pour arriver à une telle prouesse scientifique, il a fallu reproduire le contexte naturel propice à la création d’une gemme. Pour cela, la technique HPHT (High Pressure, High Temperature) crée de très grosses pressions permettant la cristallisation du diamant en laboratoire. « On parle d’environ 50 000 atmosphères et 1500 °C », précise Christelle Michel. En 2019, un rapport commandé par la Diamond Producers Association (DPA) sur l’impact écologique du secteur minier stipulait qu’un diamant naturel d’un carat émettait en moyenne 160 kilogrammes de CO2 contre 511 kilogrammes pour un diamant artificiel. « L’empreinte environnementale terrestre des activités minières de diamant des membres de la DPA est basse du fait de la taille relativement petite des opérations, des faibles quantités de produits chimiques utilisés et du recyclage d’eau, indique le rapport. Concernant les diamants artificiels, c’est principalement l’énergie déployée de la méthode HPHT qui fait grimper les chiffres. »

Vers des méthodes de fabrication plus responsables

Si la technique HPHT est trop gourmande en énergie, une autre technique récemment développée pourrait ouvrir la voie vers une joaillerie écologique. « Elle reproduit la cristallisation du diamant dans l’espace, contrairement à la HPHT qui reproduit le contexte sous terre, souligne Christelle Michel. Elle est beaucoup plus intéressante car elle consomme une température d’environ 800 °C et une atmosphère. En termes d’énergie, c’est beaucoup plus économique. » Avec DFLY, la marque de joaillerie qu’elle a fondé avec Cyril du Cluzeau, elle source son énergie chez des fabricants travaillant avec des énergies respectueuses de l’environnement. « Notre fournisseur américain les fabrique uniquement à l’énergie solaire. On s’est aussi tournés vers l’Inde et la Russie qui privilégient l’énergie hydraulique. » Dans l’Hexagone, Alix Gicquel, fondatrice de Diam Concept qui fournit notamment Courbet, commence à se démarquer grâce à sa fabrication made in France et sa méthode basse température qui ne consomme que 20 kilogrammes de CO2 par carat. « Il faut savoir s’intéresser aux différentes initiatives et savoir s’entourer des bonnes personnes », conclut la gemmologue.

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Vers une dévaluation du diamant naturel ?

Si, en France, la loi oblige les commerçants à labelliser les pierres artificielles en tant que telles, aux États-Unis, l’appellation « diamant de synthèse » est désormais interdite. En 2018, la Federal Trade Commission apportait des modifications à la définition du diamant. « On définit le diamant par ses caractéristiques chimiques, physiques et optiques et non pas par sa provenance », stipule l’organisme. Face à un tel changement, certains craignent la dévaluation de la pierre dite naturelle. « Impossible, tranche Pauline Laigneau. Il y a une valeur émotionnelle attachée à l’achat d’une pierre naturelle, justement à cause de sa rareté. C’est un peu comme avoir un tableau signé d’un grand maître et, juste à côté, sa reproduction. Visuellement on les confond, mais on sait qu’ils ne symbolisent pas la même chose. Pour un bijou symbolique comme une bague de fiançailles, une alliance, ou simplement une pièce célébrant un moment fort, les clients ne nous demandent pas de diamant de synthèse. On nous attend davantage sur la thématique de l’or recyclé, par exemple. » Mais alors, à quel type de bijoux est-il destiné ? « Il a un véritable intérêt sur des pièces issues d’une nouvelle vague de joaillerie fine, à mi-chemin entre la fantaisie et la joaillerie. Il est en train d’ouvrir un nouveau secteur pour remplacer le zircon et le strass. » Preuve que les deux peuvent coexister.